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Reportage 

Violences policières : un état des lieux

Souvent présentée comme l’administration la plus contrôlée et la plus sanctionnée de France, la police n’est pas exempte de violences, qu’elles soient considérées comme légitimes ou illégitimes par son code de déontologie. En témoigne l’affaire Guillaume Vadot, du nom d’un politologue de la Sorbonne dépositaire d’une plainte contre deux policiers qui l’auraient malmené en septembre dernier. Un sociologue et un policier ont également répondu à nos questions.

par Anaïs Coignacle 10 novembre 2016

L’affaire Vadot : les faits

« Ce qui est arrivé à mon avis est banal », expliquait Guillaume Vadot, enseignant-chercheur à la Sorbonne, âgé de 28 ans, lors d’une conférence de presse dans le cabinet de son avocat Slim Ben Achour, le 26 septembre dernier. Soit quatre jours après son interpellation par deux policiers à la gare de Saint-Denis « peu après 20h ». « Ce qui ne l’est pas c’est que ça me soit arrivé à moi. Ce qui n’est pas banal c’est que ça soit connu et diffusé. En général cela arrive à d’autres habitants de Saint-Denis, j’en ai déjà été témoin», précisait-il. En l’occurrence, ce soir-là, à la sortie de la gare RER de Saint-Denis, le militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) explique avoir vu et entendu une femme noire crier sous la douleur des menottes que lui avaient passées les policiers lors de ce qui semblait être une vaste opération de contrôles d’identité avec « une trentaine» d’agents de police et de la sûreté ferroviaire déployés. Le doctorant dénonce les conditions de sa propre interpellation qui se déroule sous l’angle mort de la caméra de surveillance où l’ont placé les policiers, alors qu’il filmait la scène sur son téléphone portable : destruction des vidéos sur le téléphone (finalement récupérées), violences physiques (« clés de bras », décharge de taser dans le bras), menaces verbales…

Avec son avocat, Guillaume Vadot a porté plainte auprès du parquet de Bobigny, ils ont également saisi le Défenseur des droits et l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui a lancé une enquête. De leur côté, les deux fonctionnaires de police ont remis un rapport d’information de leur intervention à la gare de Saint-Denis ce soir-là. Selon les informations du journal Le Monde qui s’est procuré le document, le brigadier et le gardien de la paix « en fonction à la brigade des réseaux franciliens, tous deux sans antécédents disciplinaires connus » contestent les accusations dont ils font l’objet et assurent que le doctorant a poussé la foule à l’émeute.

Depuis, Guillaume Vadot a reçu quinze jours d’ITT par l’unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu où il a suivi la procédure habituelle du dépôt de plainte. Il a été entendu par l’IGPN mais n’a pas obtenu plus d’informations sur la présence de cette trentaine d’agents sur la gare de Saint-Denis ce soir-là. Selon cet habitant de Saint-Denis, ce type d’intervention « spectaculaire » est « régulier, en particulier en septembre lors du retour des flux », cette gare RER étant une sorte de « point névralgique où se croisent les populations parisiennes et du 93 ». Un type d’opération de police qui ne semble pas étonner le secrétaire général de la CGT-police Alexandre Langlois : « le procureur signe régulièrement pour des autorisations de contrôles dans telle zone de telle heure à telle heure parce qu’il estime par exemple qu’il y a une augmentation de la délinquance. C’est une routine qui n’est pas forcément liée à l’état d’urgence. Lorsque je travaillais en commissariat à Paris, on avait des réquisitions du procureur tous les jours pour contrôler la station Saint-Michel à Paris ».

L’affaire Vadot : les suites de l’appel à témoins

À la suite de l’appel à témoins lancé avec son avocat, de nouveaux éléments ont été apportés. La jeune femme menottée ce soir-là a été identifiée et convoquée au commissariat de Saint-Denis où elle s’est présentée sans avocat. L’audition « s’est plutôt bien passée », note l’universitaire qui est désormais en contact avec celle-ci. Son tort, toujours selon Vadot, serait d’avoir refusé d’être contrôlée pour défaut de titre de transport alors qu’elle venait de faire tomber son Pass Navigo sur les voies et présentait aux agents la facture de son abonnement. Un autre témoin s’est constitué partie civile, Maurice Makwala, militant associatif, défendu lui aussi par Me Ben Achour. Ce soir du 22 septembre à Saint-Denis, il aurait tenté de convaincre les policiers de desserrer les menottes de l’usagère du RER. Lui-même aurait reçu des coups (poing et matraque) après que les policiers ont chargé « sans sommation » comme le rappelle son avocat, sur la petite foule qui s’était constituée autour de la femme. D’autres témoins auraient contacté les deux hommes, « une dizaine » selon...

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