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Application de la norme réglementaire dans le temps en matière de réparation spécifique du préjudice d’anxiété liée à l’amiante

Le salarié ayant occupé un poste susceptible d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité pour exposition à l’amiante est fondé à obtenir l’indemnisation de son préjudice d’anxiété, même en cas de saisine du conseil des prud’hommes avant que la société ne soit inscrite par arrêté sur la liste des établissements concernés

Pour l’ancien laborantin de la société Baccarat et demandeur au pourvoi du présent arrêt, comme pour tous les salariés confrontés à l’angoisse liée aux risques d’exposition à l’amiante, la question de leur éligibilité potentielle au bénéfice de l’Allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) n’est pas seulement décisive en matière de retraite anticipée. De cette seule éligibilité dépend également le régime probatoire devant s’appliquer en cas de demande de réparation d’un préjudice d’anxiété lié à l’amiante, défini par « la situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante » (Soc. 11 mai 2010, n° 09-42.241, Dalloz actualité, 4 juin 2010, obs. B. Ines ; D. 2010. 2048 , note C. Bernard ; ibid. 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2010. 839, avis J. Duplat ; RTD civ. 2010. 564, obs. P. Jourdain ).

L’enjeu est de taille, puisqu’un régime spécifique en cas d’éligibilité à l’ACAATA permet une très grande facilitation de l’indemnisation en mettant en place une présomption de préjudice d’anxiété. Hors de ce régime, le salarié doit apporter les preuves de son préjudice en agissant sur le fondement de droit commun de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Cet enjeu et les logiques du régime de réparation spécifique du préjudice d’anxiété en matière d’amiante ont pu peser dans la décision de la chambre sociale, qui devait se prononcer sur la nécessité de la cour d’appel à appliquer le régime dérogatoire de preuve lié à l’éligibilité de l’ACAATA dès lors que l’action du salarié était antérieure de quelques mois à l’inscription par arrêté de son établissement du travail sur la liste de ceux concernés par l’allocation.

L’enjeu du préjudice d’anxiété prouvé ou présumé

L’objet de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 au visa de l’arrêt était d’instituer une allocation spéciale permettant une retraite anticipée à tout salarié d’établissements manipulant de l’amiante, et ce dès lors que l’établissement figure sur une liste instaurée et complétée par une série d’arrêtés du ministre du Travail, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat étant irréfragablement présumé. Mais au-delà de l’ACAATA, la chambre sociale a exprimé sa volonté de favoriser une indemnisation supplémentaire du salarié : par l’important arrêt du 11 mai 2010, elle consacre le préjudice spécifique d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante, rapidement assorti d’une dispense de preuve d’examens médicaux anxiogènes (Soc. 4 déc. 2012, n° 11-26.294 P, Dalloz actualité, 16 janv. 2013, obs. M. Peyronnet ; D. 2012. 2973 ; ibid. 2013. 2658, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; ibid. 2014. 47, obs. P. Brun et O. Gout ), démontrant l’exposition à l’amiante (Soc. 2 juill. 2014, n° 13-10.644) et d’existence même d’un préjudice (Soc. 3 mars 2015, n° 13-26.175 P, Dalloz actualité, 26 mars 2015, obs. W. Fraisse ; D. 2015. 635 ; ibid. 968, entretien J. Knetsch ; ibid. 1384, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, C. Sommé, S. Mariette et N. Sabotier ; ibid. 2283, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; Just. & cass. 2016. 258, rapp. E. Wurtz ; Dr. soc. 2015. 360, étude M. Keim-Bagot ; RTD civ. 2015. 393, obs. P. Jourdain ), dès lors que le salarié a occupé un poste « susceptible » de lui ouvrir droit à l’allocation (Soc. 2 mars 2017, n° 15-23.334). Mais ce préjudice est « spécifique » puisque cette indemnisation ne joue initialement que pour les salariés pouvant bénéficier de l’ACAATA, limitation confirmée par l’arrêt de chambre sociale du 21 septembre 2017 (Soc. 21 sept. 2017, n° 16-15.130, Dalloz actualité, 17 oct. 2017, obs. W. Fraisse ; D. 2017. 1915 ).

Pour les salariés n’ayant pas travaillé dans un établissement listé, il a fallu attendre le revirement...

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