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Autorité de la chose jugée d’une ordonnance rendue en matière de récusation et absence d’identité de parties

La fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée d’une première ordonnance rejetant une demande de récusation ne peut pas être opposée lorsque, concernant pourtant les mêmes magistrats et contenant les mêmes moyens, la deuxième requête n’oppose pas les mêmes parties.

par Cathie-Sophie Pinatle 25 juillet 2019

En l’espèce, deux clients se sont engagés dans une procédure en contestation d’honoraires vis-à-vis de plusieurs de leurs avocats. Les demandeurs ont, à l’occasion de ces procédures, formé une requête en récusation du premier Président de la cour d’appel de Rouen et les affaires ont été renvoyées devant la chambre de proximité de la cour d’appel composée des deux magistrats contre lesquels les demandeurs ont à nouveau présenté des requêtes en récusation et en renvoi pour cause de suspicion légitime, chacune des requêtes concernant un avocat différent. Or, le premier président de la cour d’appel de Rouen a d’abord rejeté l’une de ces requêtes par ordonnance motivée puis s’est contenté, pour la seconde, de prononcer l’irrecevabilité en relevant une fin de non-recevoir aux seuls motifs « qu’elle est en tout point identique » à l’autre et qu’elle « se heurte à l’autorité de la chose jugée » de sa précédente ordonnance.

C’est contre cette ordonnance que les clients ont formé un pourvoi en cassation. Le recours pose une question procédurale intéressante. Elle concerne spécifiquement la question de l’autorité de la chose jugée d’une ordonnance rendue en matière de récusation vis-à-vis d’une ordonnance ultérieure concernant les mêmes magistrats et fondée sur les mêmes moyens. Plus précisément, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de savoir si une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée d’une ordonnance statuant sur une requête en récusation peut être opposée à une seconde requête en récusation dirigée contre les mêmes magistrats, étayée par les mêmes moyens mais qui oppose le demandeur à une autre partie. La deuxième chambre civile répond négativement, au visa de l’article 1355 du code civil et 4 du code de procédure civile, et casse l’ordonnance litigieuse avant de renvoyer l’affaire devant la cour d’appel de Caen.

Peu de précédents peuvent être utilement mobilisés pour expliquer la solution de la Cour de cassation. Un arrêt inédit du 9 octobre 2008 précise toutefois que la requête en récusation « qui vise les mêmes magistrats » et qui « présente une identité de parties, d’objet et de cause » qu’une précédente requête peut être déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à l’ordonnance de rejet de la première requête (v. Civ. 2e, 9 oct. 2008, n° 08-01.772).

On peut donc voir dans l’arrêt commenté une confirmation de l’exigence d’une identité de partie. On doit surtout y voir une solution commandée par le bon sens. Une requête en récusation tend à remettre en cause l’impartialité d’un magistrat. Elle peut notamment questionner les relations entretenues entre un magistrat et l’une des parties. Elle se doit en conséquence d’être examinée conformément aux parties en présence et la circonstance que les parties diffèrent d’une requête à l’autre doit nécessairement empêcher la formation de jugement de prononcer une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, sans quoi la procédure de récusation perdrait de sa vigueur.