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Autour du droit de se taire : qui peut et comment s’en prévaloir ?

Par deux arrêts du 26 octobre 2022, la chambre criminelle a de nouveau apporté des précisions quant au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence, tant en ce qui concerne la qualité pour agir en cas d’inobservation que de l’interdiction de fonder une déclaration de culpabilité sur le seul fondement du silence gardé.

Si la jurisprudence a pu, un temps, être relativement discrète sur l’étendue du droit de se taire, les décisions se succèdent désormais tant dans la jurisprudence de la chambre criminelle (pour ne citer que deux exemples de l’exigence de notification : avant que l’avocat du prévenu ait soutenu une demande de nullité et que le ministère public ait présenté ses réquisitions sur cette demande, Crim. 16 oct. 2019, n° 18-86.614, Dalloz actualité, 8 nov. 2019, obs. H. Diaz ; D. 2019. 1996 ; ibid. 2020. 567, chron. A.-L. Méano, L. Ascensi, A.-S. de Lamarzelle, M. Fouquet et C. Carbonaro ; AJ pénal 2019. 616, obs. C.-A. Vaz-Fernandez ; lors de l’appel de l’ordonnance de renvoi, Crim. 14 mai 2019, n° 19-81.408, Dalloz actualité, 6 juin 2019, obs. S. Fucini ; D. 2019. 1050 ; AJ pénal 2019. 390, obs. D. Miranda ; JCP 2019, n° 705, obs. Ribeyre) que du Conseil constitutionnel qui lui a conféré une valeur constitutionnelle sur le fondement de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (Cons. const. 9 avr. 2021, n° 2021-895/901/902/903 QPC, Dalloz actualité, 27 avr. 2021, obs. D. Goetz ; AJ pénal 2021. 269 ; RSC 2021. 483, obs. A. Botton ). Dans ce contexte, les arrêts rendus le 26 octobre 2022 apportent de nouveaux enseignements sur ce droit dans des hypothèses relativement inhabituelles.

Le défaut de qualité pour agir de la partie civile

L’intérêt du premier arrêt (n° 21-85.850) est relatif à la qualité pour se prévaloir du défaut de notification du droit de se taire. En l’espèce, dans le cadre d’une procédure de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le juge d’instruction avait saisi la chambre de l’instruction d’une ordonnance de transmission de pièces en application des dispositions de l’article 706-120 du code de procédure pénale.

La chambre de l’instruction avait par la suite rendu un arrêt déclarant l’auteur des faits – d’assassinats en l’occurrence – irresponsable pénalement. Un pourvoi a été formé contre cet arrêt, non pas par l’auteur, mais par la partie civile. Sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, elle reprochait au président de la juridiction d’instruction de ne pas avoir notifié à l’auteur son droit de garder le silence alors qu’il avait comparu lors de l’audience, que ses explications avaient été entendues et qu’il avait bien eu la parole en dernier.

En somme, la question posée à la chambre criminelle était de savoir si la partie civile avait ou non qualité pour agir. Pour rappel, dans le cadre de cette procédure spéciale, les débats devant la chambre de l’instruction sont organisés conformément aux dispositions de l’article 706-122 du code de procédure pénale, lequel prévoit certaines formalités substantielles. Il en est ainsi de l’interrogatoire de la personne mise en examen qui doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ou encore de l’audition des experts qui ont examiné cette personne.

L’on sait qu’après avoir retenu que ce défaut de notification n’était pas contraire à la Convention (Crim. 29 nov. 2017, n° 16-85.490 P, Dalloz actualité, 4 janv. 2018, obs. V. Morgante ; D. 2017. 2479 ; AJ pénal 2018. 87, obs. J.-B. Thierry ), la chambre criminelle a opéré un revirement de jurisprudence précisant, en outre, que cette obligation étant substantielle, l’omission d’informer le mis en examen, dès l’ouverture des débats, de son droit de garder le silence lui porte nécessairement grief (Crim. 8 juill. 2020, n° 19-85.954, Dalloz actualité, 7 sept. 2020, obs. M. Recotillet ; D. 2020. 1463 ; AJ pénal 2020. 414, obs. J.-B. Thierry ; RSC 2020. 686, obs. P.-J. Delage ).

Quid de la partie civile ? Rapporté à l’arrêt, la chambre criminelle rappelle que les droits de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont garantis par l’article 6, §§ 1 et 3, de la Convention européenne. Pour autant, ils n’ont pour objet que la protection de l’accusé car, en effet, leur essence est justement de...

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