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Bilan des transactions immobilières 2020

À l’occasion de leur traditionnelle conférence de presse tenue le 10 décembre 2020, les Notaires de France ont livré leur bilan sur les transactions immobilières de ces douze derniers mois et ont esquissé les premières tendances pour l’année 2021.

par Anne Renauxle 14 janvier 2021

Une année résiliente malgré la crise sanitaire

En propos liminaire, le président du Conseil supérieur du notariat (CSN) a évoqué l’incontournable sujet de la crise sanitaire mondiale, rappelant que « pour la première fois dans notre Histoire, la France a été mise à l’arrêt et que 30 % des jours de l’année ont été confinés ».

Et de remarquer que le premier confinement (du 17 mars au 11 mai 2020), particulièrement strict, a dégradé l’activité immobilière, rendant impossibles les visites de biens, les déménagements, les rendez-vous chez les professionnels du droit et générant beaucoup de crainte et de retard, notamment dans la signature des avant-contrats. Sur cette période, une chute vertigineuse de 60 à 70 % des transactions par rapport à 2019 a été constatée. Un léger rattrapage, bien qu’insuffisant, s’est néanmoins produit lors du déconfinement : bon nombre de ventes en cours se sont finalement concrétisées lors de la période estivale et au commencement de l’automne. Le second confinement (du 30 oct. au 15 déc. 2020), moins astreignant que le premier n’a, semble-t-il, pas représenté un obstacle majeur à l’activité immobilière, dont la poursuite a été facilitée par les autorisations de déplacement et la pratique des actes électroniques à distance.

Jusqu’à la fin du mois de septembre, 900 000 transactions ont été enregistrées en Métropole et dans les départements ultramarins, à l’exception de Mayotte, correspondant à une baisse de 5 % par rapport à 2019, une année hors norme par le nombre record de transactions atteint. Cette décélération, tant redoutée, trouve quelques explications dans l’attentisme des acquéreurs, l’abandon de transactions ainsi que dans l’envolée des prix. 

Hausse de l’indice des prix

Au premier trimestre 2020, les prix des appartements anciens en France métropolitaine ont progressé de 2,2 %, contre 1,7 % au deuxième trimestre et 0,7 % au troisième. Pourtant, en un an, ces prix ont augmenté de 6,5 % (+ 6,6 % en Île-de-France et + 6,5 % en province). 

Concernant les maisons anciennes, ils sont restés relativement stables tant en province qu’en Île-de-France, notamment au deuxième puis au troisième trimestre 2020 (+ 0,3 %). Mais, après trois années où la hausse se situait autour de 2,5 % par an, l’évolution des prix sur une année a atteint plus de 4,2 % au troisième trimestre 2020. Cette hausse semble particulièrement significative en Île-de-France (+ 4,8 %), sur laquelle souffle un « vent de verdure » ; un nombre conséquent de parisiens, en quête d’espace et d’attractivité, a préféré délaisser la capitale pour la petite ou la grande couronne. Cependant, elle reste tout aussi notable en province (+ 4,1 %) où un regain d’attractivité est survenu, les acquéreurs privilégiant deux lieux de vie à la configuration habituelle maison principale / maison secondaire. 

Un phénomène nouveau mérite également une attention particulière : l’évolution du prix des maisons rejoint celui du prix des appartements. À regarder l’évolution des prix par ville, à partir d’une liste de dix-huit d’entre elles, « tout est au bleu dans ces augmentations, les résultats du classement 2020 approchent même ceux de 2010 » analyse le CSN. 

Les prix des biens se situant dans les villes en queue de peloton (Saint-Étienne, Le Havre, Reims) démontrent des résultats encourageants, tandis que ceux des villes du Grand Ouest (Nantes, Rennes) ont bondi. Cette progression des prix en province s’inscrit dans un élan plus général, impulsé depuis cinq ans, qui ne laisse pas la moindre place à la baisse des prix pour certaines villes (Nice, Bordeaux), tandis que dans d’autres, une impressionnante évolution de 10 à 20 % a été remarquée (Le Havre, Reims, Montpellier, Strasbourg, Lille). Une tendance fortement corrélée à l’augmentation démographique ; la ville de Bordeaux dont la population a crû de 8 % en 10 ans en est l’illustre exemple.

Un pouvoir d’achat en diminution

En moyenne, la surface finançable (mensualité de 800 €/ mois pendant 20 ans et sans apport) d’un appartement ancien sur l’ensemble du territoire s’établit à 55 m² en 2020 contre 56 m² en 2019, un recul logique en considération de la hausse concomitante des prix dans les agglomérations (+ 11,6 % à Lyon, + 9,8 % à Dijon, + 8,8 % au Havre pour les maisons anciennes). Parmi les dix-huit villes étudiées, la moitié offre une surface supérieure à la moyenne nationale, incluant le cas spécifique de Saint-Étienne où les prix pratiqués sont relativement peu élevés (148 m² de surface finançable).

Le profil de l’acquéreur

Il n’est pas aisé de cerner les origines géographiques du profil de l’acquéreur de l’année 2020. Tout d’abord, les acquéreurs locaux, comme leur nom l’indique, sont restés cantonnés dans les achats immobiliers de leur propre région ou de leur département (+ 3 points en Corse, + 2 en PACA, + 1 en Occitanie). C’est ainsi que 84 % des acquéreurs de l’année résidaient déjà dans la région d’acquisition, un chiffre semblable à celui du troisième trimestre de 2019. Par ailleurs, ils ont été concurrencés par l’arrivée des acquéreurs parisiens qui ont investi au deuxième et au troisième trimestre 2020 dans l’Ouest, en Normandie, en Bourgogne-Franche-Comté et dans le Centre-Val de Loire et, plus précisément, dans des départements proches ou limitrophes de l’Île-de-France (+ 9 % dans l’Yonne, + 6 % dans l’Eure et dans l’Orne), quitte à vendre leurs biens situés davantage au sud de la France (- 3 points en Charente-Maritime, - 2 en Ardèche). 

L’année 2021 devrait permettre de déterminer s’il ne s’agit là que d’achats compulsifs en réaction à des périodes de confinement sans précédent ou s’il faut y voir une orientation structurante du marché … 

Toujours est-il que, s’agissant de la situation socioprofessionnelle de l’acquéreur, elle a peu évolué ces derniers mois et paraît relativement homogène sur le territoire national. Le profil de l’acquéreur, trentenaire ou quadragénaire, primo accédant et cadre supérieur devient de plus en plus prééminent. À titre d’exemple, 59 % des acquéreurs parisiens sont âgés d’environ 40 ans, sont des cadres supérieurs - au détriment des acquéreurs plus âgés, employés ou qui exercent des professions intermédiaires – et disposent d’un budget moyen de 430 000 € pour l’achat d’un deux-pièces.

Tendances pour 2021

Au regard de la conjoncture actuelle, le CSN reste prudent quant aux prévisions sur les tendances futures. Certes, la résilience du marché demeure pour l’instant. Elle est assurément justifiée par des paramètres connus et identifiables : attractivité de l’emprunt à des taux bas, évolution démographique, attractivité du territoire, perspective d’investissement plus rassurante que des placements financiers spéculatifs, … Mais jusqu’où peut-elle aller ? « Bien que le marché immobilier ancien, tourné vers ses utilisateurs, s’avère sain, solide et résilient, l’impact global sur l’immobilier est encore difficile à mesurer » fait observer le président du CSN.

Si le premier trimestre 2021 s’annonce solide, avec pour la première fois, une augmentation forte des prix en province et un rapprochement des prix des maisons avec ceux des appartements, l’hypothèse d’un essoufflement durable du marché parisien, valeur refuge qualifiée de « pierre coffre-fort », est en revanche tout à fait envisageable. De surcroît, en cas de crack économique, il est à redouter que le marché immobilier soit inévitablement impacté. 

Ce n’est qu’au cours du deuxième trimestre 2021, lequel devrait marquer la reprise économique, que les véritables pronostics confirmeront ou infirmeront ces projections.