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Cessions de brevets et restructurations des entreprises : attention à la publication !

Les cessions de brevets nécessitent une attention particulière, notamment car elles doivent être publiées (CPI, art. L. 613-9) afin d’être opposables au tiers. À défaut d’inscription au registre national des brevets, le cessionnaire – quoique légalement titulaire – n’est pas fondé à agir en contrefaçon. Lors d’une opération de restructuration de l’entreprise, il convient d’être particulièrement vigilant quant aux exigences relatives aux contrats de propriété industrielle. Pour autant, si la Cour de cassation affirme fermement la lettre du texte, elle permet une régularisation au cours de l’instance qui a pour effet d’offrir au cessionnaire la possibilité d’obtenir la réparation du préjudice de contrefaçon depuis le transfert du titre. 

Les opérations de restructuration des entreprises peuvent être longues et coûteuses, si bien que certains actifs, notamment de propriété industrielle, peuvent parfois être peu considérés. Cette négligence est pourtant lourde de conséquences, l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 25 avril 2024 vient ainsi rappeler la nécessité de porter une attention particulière aux contrats portant sur l’innovation et notamment la cession de brevets qui impose une inscription au registre national des brevets afin d’être opposable aux tiers.

Ainsi, dans les faits ayant conduit à la décision de la Cour de cassation, la société Sony Computer Entertainment, devenue en 2016, à la suite d’une fusion avec Sony Network Entertainment, la société Sony Interactive Entertainment (la société Sony), avait déposé les 11 avril 1997, 30 septembre 1997 et 1er août 2001, trois brevets européens désignant la France (respectivement, n° 0867212, n° 0834338, et n° 1331974) portant sur l’iconique manette de la console Playstation. Ces brevets étaient exploités en France par les sociétés Sony Interactive Entertainment Europe et Sony Interactive Entertainment France (respectivement Sony Europe et Sony France). Plusieurs opérations de restructuration du groupe Sony sont intervenues depuis le dépôt des brevets en cause. Outre la fusion ayant entraîné un changement de dénomination en 2016, la société Sony avait procédé à un ensemble de restructurations, sous l’empire du droit japonais, ayant entrainé, le 1er avril 2010, une scission-création avec absorption du patrimoine. Ainsi, un transfert de propriété des brevets eut lieu en 2010 dans des circonstances pour le moins opaques (v. en ce sens l’arrêt attaqué, Paris, 9 sept. 2022, n° 20/12901), de sorte que la démonstration de la titularité des titres de propriété industrielle est complexe pour la société Sony.

Or, la société française Subsonic, spécialisée dans la commercialisation d’accessoires gaming, est suspectée par les sociétés Sony (Sony, Sony Europe et Sony France) de contrefaire les brevets litigieux. Ainsi, celles-ci obtiennent, le 14 décembre 2016, l’autorisation d’effectuer un constat et une saisie-contrefaçon au sein des locaux de la société Subsonic. Un mois plus tard, le 17 janvier 2017, les sociétés Sony assignent la défenderesse en contrefaçon et en concurrence déloyale. Toutefois, ce n’est qu’au cours de l’instance, le 13 août 2018, qu’est effectuée la publication de la cession, intervenue en 2010, au Registre national des brevets (RNB).

L’affaire est finalement portée à la connaissance de la Cour d’appel de Paris qui confirme le jugement rendu en première instance (TJ Paris, 4 sept. 2020, n° 17/01825). Non seulement elle déboute les sociétés Sony de leurs demandes, mais la condamne également, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, à indemniser la société défenderesse au regard du préjudice de désorganisation subi par la saisie-contrefaçon.

Plusieurs arguments sont invoqués dans le pourvoi formé par les sociétés Sony à l’encontre de cette décision. En premier lieu est discutée la finalité de l’article L. 613-9 du code de la propriété intellectuelle, lequel précise que les cessions impubliées au RNB sont inopposables aux tiers (indépendamment de leur validité, v. en ce sens, Com. 18 déc. 2001, n° 99-11.183). Ainsi, d’après les demandeurs au pourvoi, l’exigence de la publication « vise uniquement à protéger celui qui est susceptible d’avoir des droits sur le brevet en tant qu’objet de propriété » et ne doit pas avoir pour effet de le priver de sa possibilité d’agir en contrefaçon. En deuxième lieu, il est argumenté au sein du pourvoi que l’absence de publication ne peut avoir pour effet de priver le cessionnaire titulaire du brevet de sa capacité à requérir une action en saisie-contrefaçon. Dès lors, la saisie-contrefaçon menée par le cessionnaire d’un brevet impublié au RNB ne peut constituer une faute au sens de l’article 1240 du code civil.

Toutefois, en troisième lieu, il est argué que la Cour d’appel de Paris...

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