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Article
Chronique d’automne de droit des entreprises en difficulté
Chronique d’automne de droit des entreprises en difficulté
Après avoir présenté quelques statistiques en matière de procédures collectives, cet article dresse le panorama des arrêts les plus importants rendus par la Cour de cassation en droit des entreprises en difficulté au cours de cet automne 2023.
par Georges Teboul, avocat AMCOle 27 novembre 2023
Quelques statistiques
Grâce à l’obligeance de l’inlassable Michel Di Martino (note d’information n° 160), les praticiens disposent de statistiques fraîches ayant pour source le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. Au 30 septembre 2023, soit sur les neuf premiers mois de l’année, 38 000 procédures collectives ont été ouvertes (contre 29 000 à la même époque de l’année 2022). En 2015, le nombre de défaillances dépassait le nombre de 63 000. Rappelons que 94 % des entreprises concernées emploient moins de dix salariés.
Au titre des mesures de prévention, sur neuf mois au 30 septembre 2023, 5 539 procédures avaient été ouvertes dont 2 266 conciliations. 77 % des entreprises concernées ont moins de dix salariés. Il faut insister sur la nécessité de recourir à temps à la prévention, pour éviter des solutions plus radicales et une perte de matière parfois fatale à l’entreprise.
En ce qui concerne les prêts garantis par l’État (PGE ; note n° 161 de Michel Di Martino), les derniers chiffres font état de 802 800 PGE accordés pour 144 milliards d’euros et un remboursement plutôt satisfaisant avec fin juillet, 80 % des PGE aux grandes entreprises remboursés et 48 % pour les autres, environ 1 000 entreprises ayant demandé une restructuration auprès de la médiation du crédit, ce qui est fort peu. Le risque de défaut est évalué par la banque de France autour de 4,5 %. C’est donc en l’état un succès.
Prévention des difficultés
Conséquences de l’ouverture d’une procédure collective sur un accord de conciliation. Un article intéressant a fait le point sur la question épineuse des conséquences de l’ouverture d’une procédure collective sur un accord de conciliation constaté ou homologué (F.-X. Lucas, Droit des entreprises en difficulté, juillet 2022 - juillet 2023, D. 2023. 1715 ). La formule de l’article L. 611-12 du code de commerce n’est pas très heureuse dès lors qu’il est prévu que l’ouverture d’une procédure collective « met fin » de plein droit à cet accord de conciliation. Cette formule n’est pas très juridique…
En principe, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues. Cependant, la conséquence notamment au titre des garanties accordées, est-elle la caducité, la résolution, ou encore la nullité ?
Cela n’est pas très clair. Un arrêt du 25 septembre 2019 (Com. 25 sept. 2019, n° 18-15.655, Dalloz actualité, 16 oct. 2019, obs. X. Delpech ; D. 2019. 1886 ; ibid. 2100, point de vue R. Dammann et A. Alle ; ibid. 2020. 1857, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; ibid. 1917, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; AJ contrat 2019. 498, obs. D. Houtcieff ; Rev. sociétés 2019. 779, obs. L. C. Henry ; RTD com. 2020. 456, obs. F. Macorig-Venier ; ibid. 708, obs. A. Martin-Serf ; JCP E 2020. 1022, note P. Bordais) avait prononcé la caducité. Cet arrêt précisait que les nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l’accord ne pouvaient être dès lors conservées.
Puis, l’ordonnance du 15 septembre 2021 a introduit dans le code de commerce un article L. 611-10-4 selon lequel, la caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences.
Puis un autre arrêt de la Cour de cassation est intervenu (Com. 26 oct. 2022, n° 21-12.085, Dalloz actualité, 2 déc. 2022, obs. G. Berthelot ; D. 2022. 1901 ; ibid. 2320, chron. S. Barbot, C. Bellino et C. de Cabarrus ; ibid. 2023. 78, point de vue R. Dammann et A. Hamouda ; ibid. 1715, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; ibid. 1765, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; Rev. sociétés 2022. 704, obs. L. C. Henry ; Rev. prat. rec. 2023. 15, chron. O. Salati ; RTD civ. 2022. 943, obs. C. Gijsbers ; RTD com. 2022. 852, obs. F. Macorig-Venier ; ibid. 2023. 216, obs. A. Martin-Serf ; JCP E 2023. 1157, n° 3, obs. P. Pétel). Cet arrêt distingue d’une part les sûretés obtenues en contrepartie de délais ou d’abandons de créances qui restent frappées de caducité, et d’autre part les sûretés qui garantissent une avance d’argent frais qui ont vocation à subsister. Il s’agissait, en effet, de ne pas décourager les créanciers qui doivent procéder à un apport d’argent frais, en les privant de toute garantie, alors même qu’ils ne sont pas responsables de la défaillance de leur cocontractant. François-Xavier Lucas estime que cette solution est satisfaisante et nous partageons cet avis.
Cependant, une ambiguïté subsiste sur l’exigence d’un financement nouveau. Il s’agit, en effet, alors d’augmenter le montant des encours comme l’a précisé le commentateur précité et non de remplacer une dette par une autre. La règle de l’article L. 611-10-4 du code de commerce permet, en effet, par le mécanisme du contrat, de tenir en échec l’article L. 611-12. Il est prévu depuis le 1er octobre 2021 que la caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences …
Report de la dette en conciliation. Chacun sait qu’il est possible de demander le report de paiement d’une créance pendant la procédure de conciliation (C. com., art. L. 611-7, al. 5). Lorsque ce report est accordé, le créancier peut-il en interjeter appel ? Un arrêt récent reconnaît ce recours à un créancier (Com. 25 oct. 2023, n° 22-15.776, D. 2023. 1901 ; Veille permanente, 30 oct. 2023, note J.-P. Rémery).
En l’espèce, le créancier avait choisi la voie du pourvoi qui a été jugée irrecevable dès lors que l’appel lui était permis. Le juge de la conciliation avait indiqué dans sa décision qu’elle avait été rendue en dernier ressort, ce qui ne pouvait cependant pas interdire un appel. Selon l’article R. 611-35 du code de commerce, le juge de la conciliation statue selon la procédure accélérée au fond. Ce texte renvoie à l’article 481-1, 7e, du code de procédure civile qui n’interdit pas un appel dans cette hypothèse. La Cour de cassation a considéré qu’en l’absence de disposition du code de commerce fermant au créancier l’appel de la décision du président du tribunal, il résulte des articles 543 du code de procédure civile et R. 662-1 du code de commerce que cette voie lui est ouverte.
Droit social des entreprises en difficulté
Subsidiarité et l’intervention de l’AGS. Nous avons déjà commenté l’arrêt important rendu par la Cour de cassation le 7 juillet dernier (Com. 7 juill. 2023, n° 22-17.902, Dalloz actualité, 13 juill. 2023, obs. C. Gailhbaud ; D. 2023. 1357 ; Rev. sociétés 2023. 547, obs. L. C. Henry ; RDT 2023. 628, chron. Valéria Ilieva et A. Mittelette ) qui a précisé que l’assurance de garantie des salaires (AGS) doit, sans discussion possible, verser les avances demandées par le mandataire judiciaire sans pouvoir disposer d’un contrôle a priori. Cette règle est salutaire, notamment pour des raisons de traitement d’urgence, comme l’a précisé le président Vigneau lors d’un colloque qui s’est tenu à la Cour de cassation le 29 septembre dernier. Cette analyse pragmatique est donc bienvenue. Il faut signaler le commentaire intéressant de Laurence-Caroline Henry (Veille permanente, 21 sept. 2023) précisant qu’il reste à fixer les conditions de la subrogation qui restent à définir en complément de l’application de l’article L. 3253-20 du code du travail. Il ne faudrait pas cependant que ce débat sur la subrogation remette en cause la règle qui vient d’être fixée par l’arrêt du 7 juillet 2023.
Nouveau système des parties affectées et l’AGS. Une décision intéressante a été rendue par la Cour d’appel de Versailles. Elle considère que les créances superprivilégiées et celles qui ont été avancées par l’AGS ne sont pas affectées par le plan, de sorte que l’AGS n’est pas une partie affectée au sens de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021. Dans cette affaire, l’AGS avait été considérée comme une partie affectée et, bien entendu, elle s’y opposait. Elle avait donc interjeté appel de l’ordonnance du juge-commissaire considérant que le principe selon lequel les créances résultant d’un contrat de travail ne sont pas affectées par le plan, ne peut concerner que le salarié et non l’AGS lorsqu’elle est subrogée dans ses droits, en application de l’article L. 626-30, IV, du code de commerce. La Cour de Versailles a considéré qu’il faut s’intéresser à la nature de la créance et non aux créanciers titulaires. L’ordonnance a donc été infirmée (Versailles, 13 juill. 2023, n° 23/04003, Veille permanente, 13 oct. 2023, note L.-C. Henry).
Un autre arrêt a été rendu par la Cour de Versailles (Versailles, 22 juin 2023, nos 23/03276 et 23/033, Veille permanente, 9 oct. 2023, obs. L.-C. Henry). La cour rappelle les critères de constitution des classes prévus par l’article L. 626-30, III, du code de commerce. L’administrateur doit se référer à...
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