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Le Conseil d’État et la compensation légale de l’ancien article 1290 du code civil

Dans un arrêt rendu le 11 juin 2024, le Conseil d’État précise que la compensation légale issue de l’ancien article 1290 du code civil doit être invoquée par le débiteur. L’administration fiscale ne saurait donc, d’elle-même, procéder à une telle compensation.

Compétence oblige, le Conseil d’État est parfois contraint de devoir s’aventurer sur les terres du droit privé. Nous avons étudié, dans cette optique, une décision rendue le 31 mai 2024 au sujet de l’étendue de l’effacement des dettes en matière de surendettement des particuliers et, plus précisément, de rétablissement personnel sans liquidation (CE 31 mai 2024, n° 465197, Dalloz actualité, 11 juin 2024, obs. C. Hélaine ; Lebon ; AJDA 2024. 1137 ). Aujourd’hui, nous retrouvons un nouvel arrêt du Conseil d’État rendu le 11 juin 2024 qui permet de plonger dans le régime général de l’obligation. La thématique traitée est celle de la compensation légale et, en trame de fond, l’incertitude autour de son « automatisme » (v. à ce titre, J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, L. Andreu et V. Forti, Droit civil – Les obligations – Le rapport d’obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Sirey Université », 2022, p. 303, n° 295). Le texte de l’ancien article 1290 du code civil entretenait, en effet, une forme d’hésitation liée selon certains auteurs à un contre-sens historique des textes du droit romain (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, 13e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2022, p. 1853, n° 1692). Nous verrons que le Conseil d’État prend clairement position dans cet arrêt du 11 juin 2024 pour une nécessité, en droit ancien, d’invoquer la compensation pour que celle-ci puisse produire ses effets. Le droit nouveau vient, quant à lui, rompre avec l’ancienne formulation en prévoyant dans le marbre de l’article 1347 du code civil cette nécessité d’invoquer la compensation pour qu’elle s’opère. La précision reste, pour autant, aussi utile qu’intéressante car la Cour de cassation elle-même n’a que très peu l’occasion de publier de décisions au Bulletin sur ce mécanisme fondamental du droit civil.

C’est en matière fiscale que l’affaire que nous étudions aujourd’hui puise son origine. Tout débute par un contrôle de l’administration fiscale ayant abouti à mettre à la charge d’une société des cotisations supplémentaires d’impôts sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La société débitrice demande au Tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires ainsi que desdits rappels sur la TVA.

Par jugement du 12 février 2020, le tribunal décide de prononcer une décharge des rappels de TVA à hauteur de 63 987 € ainsi que des pénalités correspondantes. Le surplus des demandes est rejeté. La Cour administrative d’appel de Nantes fait droit, par arrêt du 24 juin 2022, à l’appel du ministre de l’Économie sur la décharge et rejette dans le même temps...

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