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Contrat de sécurisation professionnelle : précisions sur l’obligation d’information

L’employeur est tenu, à peine de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

par Loïc Malfettesle 10 juin 2020

Lorsque l’entreprise est en redressement judiciaire, la note sur contrat de sécurisation professionnelle, seul document écrit remis aux salariés avant l’acceptation du CSP, doit par ailleurs porter le visa de l’ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé à procéder à un licenciement pour motif économique.

Le formalisme peut, surtout lorsqu’il sert de garantie à la bonne information, se révéler salutaire pour le salarié dont la rupture du contrat est en jeu. C’est précisément le cas lorsque ce dernier doit se voir proposer un contrat de sécurisation professionnelle. La jurisprudence a, à ce titre, établi que l’acceptation de la convention par le salarié ne dispensait pas l’employeur de son obligation de communiquer au salarié, dans un document écrit, le motif économique du licenciement dont il prend l’initiative (Soc. 27 mai 2009, n° 08-43.137, RJS 8-9/2009, n° 741). Et c’est précisément autour de cette question de l’information quant aux motifs économiques dans le cadre de la conclusion d’un CSP que les deux arrêts rendus le 27 mai 2020 viennent apporter des éléments de réponse.

Il était question dans les deux espèces de salariés auxquels avait été proposé un contrat de sécurisation professionnelle. Dans les deux cas, les modalités d’information entourant cette proposition de CSP firent l’objet de contestation, les intéressés estimant celle-ci irrégulière.

La Cour de cassation profite de ces deux saisines pour préciser les modalités d’information quant au motif économique qui justifie la mise en œuvre de ce dispositif.

Dans le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153), où l’employeur était une société en redressement judiciaire, la haute juridiction rappelle que, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit « en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ».

La formule employée dans le second arrêt (pourvoi n° 18-24.531), concernant cette fois une entreprise in bonis, se révèle plus ramassée mais le sens est identique, les magistrats réaffirmant que l’employeur est « tenu d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du CSP par le salarié, afin qu’il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation ».

Cette exigence de communication du motif économique par écrit et antérieurement à l’acceptation du salarié n’est pas nouvelle, ces deux arrêts venant confirmer une jurisprudence bien assise (v. Soc. 14 avr. 2010, n° 08-45.399, Dalloz actualité, 11 mai 2010, obs. L. Perrin ; D. 2010. 1223 ; RDT 2010. 437, obs. A. Fabre ). La flexibilité quant à l’instrumentum pouvant servir de support à cette information est ici rappelée au moyen d’une formule un peu lourde, laissant poindre une nette préférence des juges pour le document écrit d’information sur ce dispositif remis au salarié. Il avait déjà été admis que l’information sur le motif économique pouvait être transmise au moyen de la lettre remise au salarié dans le cadre de l’obligation de l’employeur de rechercher un reclassement dès que le licenciement est envisagé, énonçant le motif de la suppression du poste et en proposant un nouveau (Soc. 16 nov. 2016, n° 15-12.293, RJS 2/2017, n° 106). Le second arrêt (pourvoi n° 18-24.531) vient ici préciser que la mention de la cause économique au stade de la procédure spécifique préalable de modification du contrat de travail ne suffit pas à satisfaire à cette exigence de forme (v. déjà en ce sens, Soc. 8 oct. 2014, n° 13-13.995 P, Dalloz actualité, 6 nov. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 2054 ; RDT 2014. 685, obs. B. Ines ), laquelle doit nécessairement être réalisée au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié. La justification tient, pour la jurisprudence, à la nécessité que ce dernier soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

La sanction de cette formalité est lourde de conséquences, puisque le licenciement sera considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse. Celle-ci peut paraître sévère pour l’employeur qui avait pu déjà informer le salarié des causes économiques de la restructuration justifiant la proposition de modification du contrat de travail. En adoptant une telle solution, la chambre sociale marque une césure nette entre les deux procédures. L’expression de volonté du salarié au moment de la proposition de la modification de son contrat doit ainsi être strictement distinguée de celle exprimée à propos de la proposition de CSP, qui appelle elle aussi que soit exprimé de façon claire et non équivoque son lien de corrélation avec le motif économique.

Le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153) livre enfin un dernier enseignement quant au formalisme que doit revêtir la note « contrat de sécurisation professionnelle » lorsque l’employeur est soumis à une procédure de redressement judiciaire. Il est en effet prévu que, lorsque l’administrateur procède au licenciement d’un salarié d’une entreprise en redressement judiciaire, en application de l’ordonnance par laquelle le juge-commissaire autorise des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable, la lettre de licenciement comporte nécessairement le visa de cette ordonnance. À défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse. La chambre sociale vient ici préciser que la solution s’étend à la « note contrat de sécurisation professionnelle », seul document écrit remis aux salariés avant l’acceptation du CSP. De façon assez logique et en résonnance avec l’exigence de parfaite information préalable à l’acceptation du CSP, le visa de l’ordonnance du juge-commissaire devra donc également figurer sur la notice, à défaut de quoi l’employeur, déjà dans une posture délicate, s’exposera aux conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.