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Dommage subi dans un établissement commercial : pas de responsabilité autonome de l’exploitant
Dommage subi dans un établissement commercial : pas de responsabilité autonome de l’exploitant
La responsabilité de l’exploitant d’un magasin dont l’entrée est libre ne peut être engagée à l’égard de la victime que sur le fondement de la responsabilité du fait des choses et non sur le fondement de l’article L. 421-3 du code de la consommation, lequel ne soumet pas l’exploitant à une obligation de sécurité de résultat à l’égard de la clientèle.
par Anaïs Hacenele 14 octobre 2020
Après avoir trébuché sur un panneau publicitaire et s’être blessée, la cliente d’un supermarché a assigné en réparation de son préjudice l’exploitant de l’établissement commercial et son assureur. La cour d’appel de Lyon a fait droit à cette demande et a condamné solidairement l’exploitant du magasin et son assureur à indemniser la victime. Les juges du fond ont écarté l’application de la responsabilité du fait des choses issue de l’article 1242, alinéa 1er, du code civil, faute de preuve de l’anormalité de la chose inerte. En revanche, ils sont appuyés sur l’article L. 421-3 du code de la consommation qui prévoit que « les produits et les services doivent présenter, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes » et sur l’arrêt de la première chambre civile du 20 septembre 2017, qui avait perçu dans ce texte une obligation de sécurité de résultat à la charge de l’exploitant d’un magasin dont la responsabilité était alors délictuelle.
Insatisfait de cette décision, l’exploitant de l’établissement responsable s’est pourvu en cassation. Il soutenait que la responsabilité de l’exploitant d’un magasin en libre-service ne peut être recherchée que sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle et, précisément, sur celui de la responsabilité du fait des choses, laquelle ne pouvait pas s’appliquer en l’espèce puisque la victime ne rapportait pas la preuve du rôle actif de la chose.
La Cour de cassation était donc amenée à s’interroger sur la valeur de l’article L. 421-3 du code de la consommation. Faut-il voir dans ses termes l’existence d’une véritable obligation de sécurité de résultat qui, dans le cas où elle ne serait pas correctement exécutée, donnerait lieu à un régime de responsabilité autonome déconnecté du droit commun ?
Pour comprendre l’enjeu de cette décision, il convient de relever l’évolution récente de la jurisprudence en matière de prestation de service.
Jusqu’en 2017, les prestataires de service étaient susceptibles d’engager leur responsabilité sur trois fondements différents.
En l’absence de contrat conclu entre le prestataire et le client, le premier pouvait engager sa responsabilité à l’égard du second sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (Civ. 2e, 11 janv. 1995, n° 92-20.162, Bull. civ. II, n° 18 ; 24 févr. 2005, n° 03-18.135, Bull. civ. II, n° 52 ; D. 2005. 1395 , note N. Damas ; RTD civ. 2005. 407, obs. P. Jourdain ; 29 mars 2012, n° 10-27.553, Bull. civ. II, n° 66 ; Dalloz actualité, 10 avr. 2012, obs. J. Marrocchella ; D. 2012. 1008 ). Le client victime devait toutefois prouver le mauvais positionnement ou l’anormalité de la chose lorsque celle-ci est inerte.
Le prestataire pouvait également engager sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux prévue aux articles 1245 et suivants du code civil, laquelle s’applique qu’un contrat ait été conclu ou non (Civ. 1re, 14 nov. 2018, n° 17-23.668, Dalloz jurisprudence). Toutefois, son application est soumise à la condition que le prestataire revête la qualité de producteur au sens de l’article 3 de la directive CE n° 85/374 du Conseil du 25 juillet 1985 et non celle d’utilisateur du produit au cours de l’exécution de la prestation fournie (CJUE 21 déc. 2011, CHU de Besançon, aff. C-495/10, Dalloz actualité, 2 janv. 2012, obs. R. Grand ; AJDA 2011. 2505 ; ibid. 2012. 306, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; D. 2012. 926 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 1558, point de vue P. Véron et F. Vialla ; ibid. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2012. 329, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 2012. 679, obs. C. Aubert de Vincelles ).
Enfin, le prestataire était susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle sur le fondement d’une obligation de sécurité insérée dans certains types de contrats par la jurisprudence qui peut être de résultat ou de moyens selon le rôle actif joué par la victime dans l’exécution de la prestation (Civ. 1re, 21 oct. 1997, n° 95-18.558, Bull. civ. I, n° 287 ; D. 1998. 271 , note P. Brun ; ibid. 199, obs. P. Jourdain ; ibid. 1999. 85, obs. A. Lacabarats ; RTD civ. 1998. 116, obs. P. Jourdain ; 22 janv. 2009, n° 07-21.843, D. 2010. 400, obs. Centre de droit et d’économie du sport Université de Limoges ).
Depuis 2017, la question se pose de savoir si, en présence d’un dommage corporel subi dans un établissement commercial, la Cour de cassation n’a pas ajouté une quatrième option et un nouveau régime de responsabilité du prestataire fondé sur l’article L. 421-3 du code de la consommation.
Dans un premier temps, la première chambre civile a approuvé une cour d’appel d’avoir décidé, sur le fondement des articles 1147, devenu 1231-1 du code civil et L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la consommation, que le professionnel qui utilise un produit pour exécuter une prestation de services est tenu, à l’égard de son cocontractant, d’une obligation de sécurité de résultat (Civ. 1re, 11 janv. 2017, n° 15-24.696 NP,...
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