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Hier soir, la commission des lois de l’Assemblée a adopté le projet sur le parquet européen. Un texte qui brasse de nombreux champs de la justice pénale et civile. Ce projet de loi était une occasion rare pour que débouchent plusieurs réformes voulues par Éric Dupond-Moretti. Si des amendements importants ont été adoptés sur des sujets variés, le ministre a souvent temporisé.
par Pierre Januelle 25 novembre 2020
Incertitudes pour l’encadrement des enquêtes préliminaires, des fadettes et des OPM
Au cours de son mandat, un député qui s’intéresse à un sujet particulier peut lire de très nombreux rapports. Mais il voit rarement un projet de loi. Alors que le calendrier parlementaire jusqu’en 2022 est déjà encombré, le projet de loi sur le parquet européen était une occasion rare pour que des réformes aboutissent. Ainsi la rapporteure Naïma Moutchou et le député Didier Paris avaient des amendements pour qu’au bout de trois ans, les enquêtes préliminaires ne puissent être prolongées que par une ordonnance motivée d’un juge des libertés et de la détention (JLD). Le ministre a suggéré leur retrait, indiquant travailler sur le sujet.
Il a fait la même réponse à l’amendement de Naïma Moutchou qui prévoyait un encadrement de l’accès aux factures détaillées (fadettes) des magistrats, parlementaires et avocats, via une décision spécifique d’un JLD. Le ministre mise sur la commission Mattéi qu’il a récemment installée et a promis un projet de loi.
Suite à leur rapport sur la déontologie des officiers publics ministériels, les députés Fabien Matras et Cécile Untermaier souhaitaient mettre en place un collège de déontologie chez les commissaires de justice et les notaires. Un dispositif là aussi rejeté par Éric Dupond-Moretti, qui s’appuyant sur un rapport d’inspection, souhaite mettre en place sa propre réforme, concertée avec les professions.
Conditions de détention et droit environnemental : un horizon plus clair
Sur le recours juridictionnel concernant les conditions de détention, exigé par le Conseil constitutionnel, le gouvernement proposera un amendement en séance. Il a saisi le Conseil d’État d’un projet de texte, pour mettre en place ce recours juridictionnel, qui concernera les personnes en détention provisoire comme les condamnés.
De nombreux amendements sur le droit environnemental, dont l’écocide, ont été considérés comme des cavaliers législatifs. Ils sont renvoyés au projet de loi « convention citoyenne pour le climat », texte qui disposera d’un titre spécifique sur le droit pénal. Parmi les quelques modifications sur la partie environnementale votées hier, le gouvernement pourra donner à certains inspecteurs de l’environnement l’ensemble des prérogatives des officiers de police judiciaire. Un préalable à la création d’un service national d’enquête.
Parquet européen et juridictions spécialisées
Ces velléités de réforme font parfois oublier l’enjeu premier de ce texte : mettre en œuvre le parquet européen. Hier, le ministre a indiqué que la France devrait nommer cinq procureurs européens délégués, en deçà de ce que prévoit l’Allemagne (11) et l’Italie (20).
Parmi les amendements importants adoptés, les parquets des juridictions spécialisées (dont le PNF) pourront engager des poursuites sur des faits commis à l’international, par ou contre un Français, sans plainte ou dénonciation officielle.
Plusieurs modifications ont aussi été apportées à la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Elle s’appliquera au blanchiment de corruption et de trafic d’influence, l’entreprise devra payer les frais de justice et, comme le souhaitait le PNF, elle pourra être conclue même sans reconnaissance des faits à l’issue d’une instruction. Toutefois les amendements qui visaient à lier le sort des personnes morales et physiques, via une composition pénale, se sont heurtés à l’opposition du gouvernement.
Contrairement à ce que prévoyait le texte sénatorial, la compétence du PNAT ne sera pas élargie aux crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation. Par contre, les juridictions spécialisées en matière de terrorisme pourront demeurer compétentes en cas de disqualification des faits.
Pour gérer les procès du Bataclan et de Nice, un amendement permettra la captation sonore et la retransmission en différée aux parties civiles, via une webradio.
Le texte corrige de nombreux bugs de la loi justice et vise à répondre à plusieurs censures du Conseil constitutionnel, sur la prestation de serment des pacsés et concubins, la suppression du myriamètre dans la loi de 1881 ou la création d’une procédure de rétablissement de l’honneur des condamnés à mort. Un amendement qu’Éric Dupond-Moretti, ancien avocat de la famille de Jacques Fesch, a tenu à défendre.
La rapporteure Naïma Moutchou a enfin indiqué son opposition à l’idée de créer une nouvelle peine complémentaire d’interdiction de paraître dans un réseau de transport public, unanimement jugée inutile et inadaptée. Un point qui sera redébattu en séance le 8 décembre.
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