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Évaluation de l’indemnité d’expropriation par la méthode de la comparaison

Pour évaluer le prix d’un bien exproprié, les juges du fond doivent prendre en considération la circonstance que les règles d’urbanisme qui lui sont applicables sont plus restrictives que celles applicables aux biens pris comme termes de comparaison.

par Rémi Grandle 9 janvier 2018

L’article L. 322-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit que l’évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence fixée à l’article L. 322-3, de la capacité des voies d’accès et réseaux divers, des servitudes affectant l’utilisation des sols et notamment des servitudes d’utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l’expropriant, une intention dolosive.

Le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique n’impose pas de méthode pour fixer le montant de l’indemnité d’expropriation et la Cour de cassation considère, de manière constante, que les juridictions du fond statuent souverainement sur le montant des indemnités correspondant aux caractéristiques des terrains expropriés (Civ. 3e, 14 nov. 1991, n° 89-70.280, AJDI 1992. 447 ; ibid. 600 ; ibid. 448, obs. C. M. , obs. A. Bernard ; RDI 1992. 194, obs. C. Morel et M. Laroque ). Les juges du fond ont, s’agissant de l’évaluation des terrains nus, le plus souvent recours à la méthode « par comparaison » qui n’est toutefois, comme l’a estimé la Cour de cassation refusant de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité visant l’ancien article L. 13-13 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (actuel art. L. 321-1), qu’une simple « méthode d’évaluation des biens expropriés que les juges du fond peuvent souverainement retenir » (Civ. 3e, 14 mars 2013, n° 12-24.995, Dalloz actualité, 21 mars 2013, obs. R. Grand ; RDI 2013. 264, obs. R. Hostiou ; Constitutions 2013. 395, obs. J. Barthélémy et L. Boré ).

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt commenté, la chambre des expropriations de la cour d’appel de Pau avait eu recours à cette méthode en retenant la valeur moyenne de trois ventes de biens voisins intervenues entre 2010 et 2013. Ces biens ne bénéficiaient toutefois pas d’un zonage identique dans le plan local d’urbanisme de la commune puisqu’ils étaient inclus au secteur UAg, quand les parcelles expropriées étaient incluses au secteur UAd, au sein duquel s’appliquent des règles d’urbanisme plus restrictives, s’agissant notamment de la hauteur des constructions autorisées.

La cour d’appel avait justifié son choix de ne pas distinguer entre les parcelles situées en secteur UAg et celles situées en secteur UAd par la circonstance que les prix de vente qu’elle retenait étaient les prix consentis par les vendeurs, lesquels auraient obligatoirement pris en compte les possibilités de construire offertes par les dispositions du plan local d’urbanisme.

Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation : cette circonstance n’est pas, selon elle, de nature à justifier ce en quoi la comparaison avec des biens situés en secteur UAg, auquel des dispositions moins restrictives s’appliquent, serait adaptée à l’évaluation de parcelles situées en secteur UAd.

A contrario, la haute juridiction avait, dans une espèce comparable, validé le choix des juges du fond d’avoir appliqué un abattement au prix du mètre carré de parcelles situées dans une « zone comparable à celle du bien exproprié » mais qui bénéficiaient « d’une réglementation de l’urbanisme plus avantageuse » (Civ. 3e, 22 juin 2005, n° 04-70.068, D. 2005. 2037 ; RDI 2005. 329, obs. C. Morel ; ibid. 329, obs. C. Morel ).