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Garde à vue : renforcement de l’exigence de motivation de l’ordonnance de prolongation

L’ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD), qui se borne à se référer à la requête présentée par le procureur de la République aux fins de prolongation de la garde à vue, n’est pas conforme aux exigences légales.

par Sébastien Fucinile 21 décembre 2016

Par un arrêt du 23 novembre 2016, la chambre criminelle a affirmé que « l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui se borne à se référer à la requête présentée par le procureur de la République aux fins de prolongation de la garde à vue, en application de l’article 706-88, alinéa 2, du code de procédure pénale, n’est pas conforme aux exigences de ce texte ». Elle a par conséquent cassé un arrêt de chambre de l’instruction qui a refusé d’annuler la prolongation alors que l’ordonnance l’autorisant s’était contentée de renvoyer aux motifs développés dans la requête du procureur de la République. La chambre criminelle refuse désormais la motivation par renvoi ou par référence aux motifs développés par la requête du procureur de la République le saisissant, ce qui constitue une évolution intéressante de sa jurisprudence. Mais une autre chose est encore plus remarquable dans le présent arrêt : sa motivation ! Entre le visa de l’article 706-88, alinéa 2, et l’attendu de principe ci-dessus mentionné, la chambre criminelle innove par un attendu de motivation, expliquant sa nouvelle position et qu’il convient de retranscrire in extenso : « Attendu que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant, à la requête du procureur de la République, à titre exceptionnel, la prolongation de la garde à vue d’une personne, doit être motivée ; que cette exigence s’impose au regard des droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme et en raison de l’évolution du statut et du rôle juridictionnel du juge des libertés et de la détention voulue par le législateur ; que cette motivation constitue une garantie essentielle contre le risque d’une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle et doit permettre à l’intéressé de connaître des raisons précises pour lesquelles cette prolongation a été autorisée ».

Dans le droit fil des réflexions menées sur la réforme de la Cour de cassation, et notamment sur la motivation de ses décisions (v. not. P. Deumier, Repenser la motivation des arrêts de la Cour de cassation ?, D. 2015. 2022 ), les chambres civiles ont déjà commencé, depuis quelques mois, à motiver plus amplement leurs décisions, par le recours à un attendu justifiant le principe dégagé du texte appliqué. Par le présent arrêt, la chambre criminelle adopte la même méthode, ce qui permet d’entrevoir et de comprendre les raisons de l’évolution de sa jurisprudence quant à l’exigence de motivation des ordonnances du juge des libertés et de la détention.

L’article 706-88 du code de procédure pénale permet, en matière de criminalité organisée, de prolonger la garde à vue au-delà de quarante-huit heures, par deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune. Afin de respecter le droit à la sûreté de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France,...

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