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Injure publique à raison du sexe : régime d’interruption de la prescription

Lorsqu’à l’issue d’une enquête préliminaire ouverte pour des infractions de droit commun, les poursuites sont engagées pour une infraction relevant de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, seules les règles spécifiques prévues par ce texte sont applicables. À cet égard, l’article 63-5 de cette loi soumet l’injure publique à raison du sexe aux dispositions de droit commun de l’article 9-2, 2°, du code de procédure pénale, concernant l’interruption de la prescription de l’action publique. 

Après avoir publié, le 25 juillet 2018, la vidéo de l’agression qu’elle avait subie la veille pour dénoncer le harcèlement et les violences faites aux femmes dans l’espace public, une femme fit l’objet de nombreux messages de haine sur les réseaux sociaux. Le 5 décembre, elle porta plainte pour harcèlement moral au moyen d’un service de communication au public (C. pén., art. 222-33-2-2, al. 5) et menaces de mort en raison du genre (C. pén., art. 222-18 et 132-77) pour deux d’entre eux, qui émanaient d’un même utilisateur qui avait notamment écrit « tu as insulté et injurié d’un doigt d’honneur un mec, si j’avais été à sa place j’taurai sûrement massacré, sale merde ! P.S : t’es trop moche pour te faire draguer ».

Une enquête préliminaire fut ouverte par soit-transmis du procureur de la République de Paris du 28 janvier 2019. Plusieurs actes d’enquête se succédèrent, aboutissant à la délivrance au prévenu, le 28 avril 2022, d’une convocation par officier de police judiciaire pour comparaître devant le tribunal correctionnel pour injure publique à raison du sexe (et refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques). Le tribunal le reconnut coupable et le condamna à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 800 € d’amende. La cour d’appel (Nancy, 21 déc. 2023) confirma le jugement et le prévenu se pourvut alors en cassation, se prévalant notamment, sur le fondement de l’article 65 de la loi sur la presse, de l’acquisition de la prescription de l’action publique.

La chambre criminelle rejette son pourvoi, estimant, d’une part, que l’infraction d’injure publique sexiste n’était pas prescrite et que la cour d’appel a pu valablement l’imputer au prévenu et, d’autre part, que cette dernière a démontré que la condamnation pour refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’intéressé.

Sur l’injure publique sexiste

L’injure sexiste est une injure spéciale qui a été créée par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Elle est prévue à l’article 33 de la loi sur la presse (C. pén., art. R. 625-8-1, lorsque la publicité fait défaut) qui punit d’un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende l’injure publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap (à défaut de publicité, l’infraction constitue une contravention de la 5e classe ; C. pén., art. R. 625-8-1, al. 2). Elle nécessite de caractériser une injure (donc un propos outrageant, méprisant ou une invective ; Loi sur la presse, art. 29, al. 2) présentant objectivement un caractère sexiste, homophobe ou eugéniste, et d’établir que celle-ci a été proférée dans une logique ségrégationniste (« à raison » du...

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