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Jour(s) de grève à la Cour nationale du droit d’asile contre le projet de loi asile-immigration

La majorité des agents a répondu présent, hier, à l’appel des syndicats majoritaires de la juridiction et n’a pas effectué son service malgré les audiences programmées. Les agents ont été rejoints par les avocats pour protester contre le projet de loi asile-immigration.

par Thomas Coustetle 14 février 2018

Quand un étranger souhaite bénéficier en France du statut de réfugié fixé par la Convention de Genève de 1951, il s’adresse en premier lieu à l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). En cas de rejet, le requérant peut effectuer un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui siège à Montreuil, près de Paris.

Fait rare, les portes des audiences de la CNDA sont restées peu ou prou fermées ce 13 février 2018. Seules trois salles ont assuré le suivi des dossiers … sur dix-neuf … Et encore, sans avocat ni secrétaire. Les juges ont dû procéder à l’appel des causes eux-mêmes.

Les agents de cette juridiction spécialisée ont suivi la demande de grève des syndicats majoritaires (SIPCE, FO et CGT). Les manifestants ont donc décidé, dès neuf heures, de bloquer la tenue des audiences et d’occuper l’extérieur du bâtiment. Ils ont scandé des slogans tels que « dossiers partout », « sous les statistiques, des vies », ou plus sobrement, « CNDA en grève ».

Les avocats ont décidé unanimement de rejoindre le mouvement. Pour cela, ils ont fait des demandes de renvoi en masse. Tous entendent protester d’une même voix contre le projet de loi asile-immigration (v. Dalloz actualité, 11 janv. 2018, art. P. Januel isset(node/188577) ? node/188577 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188577). 

Me Olivier Chemin, avocat au barreau de Bobigny et président du réseau ELENA spécialisé en droit d’asile, espère une mobilisation plus vaste qu’en 2015, au moment de la première loi asile. « Ce nouveau projet de loi s’inscrit contre des demandeurs d’asile eux-mêmes », explique-t-il. Cet avocat y voit un pas supplémentaire par rapport à 2015, vers une justice qu’il qualifie « d’expéditive ». « Le projet prévoit de diminuer le délai pour déposer une demande d’asile, de réduire le délai de recours, et prive les recours du caractère suspensif ».

« De plus en plus de dossiers sont alors étudiés sur pièces, sans audition de l’intéressé, et par un juge unique »

D’autres avocats fustigent l’enfermement de la cour dans une logique comptable qui explique « la hausse des décisions rendues par ordonnance », c’est-à-dire sans audience préalable. « L’objectif du texte est de faire de ce mode d’instruction la norme. Les dossiers seront alors majoritairement étudiés sur pièces, sans audition de l’intéressé, et par un juge unique », insiste un autre confrère.

En sus, le nouveau texte fixe le délai d’examen global de la demande à six mois. Le délai moyen est aujourd’hui de neuf mois. « Cet objectif est extrêmement néfaste à un examen humain et de qualité » explique l’agent Sébastien Brisard, représentant syndical qui occupe les fonctions de rapporteur à la CNDA. 

Les agents se sont également mobilisés pour l’ouverture de négociations sur leurs conditions de travail. En outre, ils souhaitent obtenir une intégration du rapporteur au sein de la formation de jugement. Le rapporteur est celui qui travaille en amont sur le dossier et fournit un avis à destination du juge, explique Sébastien Brisard. « Dans les statuts, il est recruté en contractuels. Nous souhaitons une meilleur prise en compte ». Même chose pour les secrétaires d’audience qui demandent à obtenir le statut de greffier.  

« On peut même se déplacer jusqu’à Matignon pour protester »

Les avocats ont voté majoritairement la reconduite du mouvement jusqu’au 21 février prochain, jour symbolique de l’examen du projet de loi en conseil des ministres. « On peut même se déplacer jusqu’à Matignon pour protester », propose un confrère dans la foulée.

Les agents préfèrent attendre la position des syndicats et ne pas poser de délais. Ils assurent néanmoins être « motivés ». « On proposera la reconduite de la grève chaque jour jusqu’à être reçu par la secrétaire générale du Conseil d’État, notre juridiction de tutelle, ou le ministère de l’Intérieur », maintient Sébastien Brisard. Les manifestants n’ayant pas reçu de réponse des pouvoirs publics, ils sont d’ores et déjà voté la reconduction de la grève le 14 février.