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Article
Le liquidateur face à l’insaisissabilité légale de la résidence principale du débiteur
Le liquidateur face à l’insaisissabilité légale de la résidence principale du débiteur
Un liquidateur judiciaire ne peut provoquer le partage d’une indivision portant sur un immeuble assurant la résidence principale du débiteur que si toutes les créances professionnelles sont nées avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 instituant le régime de l’insaisissabilité légale de la résidence principale.
En un peu plus d’une décennie, la problématique de l’insaisissabilité des immeubles d’un entrepreneur sous procédure collective est devenue un incontournable du droit des entreprises en difficulté. Chacune des décisions rendues en ce domaine est scrutée et retient l’attention des praticiens et de la doctrine (dernièrement, v. Com. 17 nov. 2021, n° 20-20.821 P, Dalloz actualité, 1er déc. 2021, note B. Ferrari ; D. 2021. 2085 ; AJ fam. 2022. 94, obs. J. Casey ; Rev. prat. rec. 2022. 29, chron. P. Roussel Galle et F. Reille ). L’arrêt sous commentaire n’échappera probablement pas à la règle.
Plus encore, nous prenons même le pari qu’il s’élèvera au rang des grandes décisions portant sur les rapports entretenus entre l’insaisissabilité des immeubles et la procédure collective d’un entrepreneur.
Nous formulons cette remarque, car l’arrêt ici rapporté a ceci de particulier qu’il a trait à l’insaisissabilité légale de la résidence principale. Certes, ce mécanisme – instauré par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi « Macron » – emprunte la majeure partie de son régime à la déclaration notariée d’insaisissabilité. Cela étant, si les arrêts portant sur l’insaisissabilité par déclaration sont légion, tel n’est pas (encore) le cas des décisions se prononçant sur le régime de l’insaisissabilité légale dans le contexte d’une procédure collective. Pour cette unique raison, l’arrêt sous commentaire mérite donc déjà l’attention.
En l’espèce, deux époux sont propriétaires indivis d’un bien immobilier constituant leur résidence principale. Or l’époux a été placé en liquidation judiciaire et, au cours des opérations de réalisation des actifs, l’épouse s’est opposée à la vente de l’immeuble. Par la suite, cette dernière a été assignée par le liquidateur devant le tribunal aux fins de partage judiciaire de l’indivision et de vente aux enchères publiques du bien immobilier.
Si le mandataire prétendait à la possibilité d’obtenir le partage de l’indivision, c’est que, pour ce dernier, « l’essentiel » des créances déclarées au passif du débiteur était antérieur au 8 août 2015, date d’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 instituant l’insaisissabilité légale de la résidence principale. Or, pour le liquidateur, puisque l’insaisissabilité était inopposable à la grande majorité des créanciers, il conservait le droit de solliciter le partage. De son côté, l’épouse, pour critiquer cette demande, arguait de l’opposabilité au liquidateur de l’insaisissabilité légale des droits du débiteur sur sa résidence principale.
Débouté par les juges du fond, tant en première instance qu’en appel, le liquidateur a formé un pourvoi en cassation. Las, il ne sera pas plus heureux devant la cour régulatrice, laquelle rejette son pourvoi.
La Cour de cassation commence par rappeler que l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur n’a d’effet – en application de l’article 206-IV de la loi du 6 août 2015 – qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur, et ce postérieurement à la publication de la loi. Or, tirant les conséquences de ce principe, la haute juridiction en déduit que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l’immeuble indivis, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur étant alors appréhendés par le gage commun, ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce.
Cette solution nous semble devoir être approuvée.
En effet, si l’arrêt est convaincant, c’est qu’il s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence établie quant au régime de la déclaration notariée d’insaisissabilité dans le contexte d’une procédure collective. Cet aspect est visible tant, directement, du côté des conditions posées par la Cour de cassation pour conclure à l’opposabilité de l’insaisissabilité légale à la procédure collective que du côté des fondements, plus profonds, de la décision.
C’est donc étudier, d’une part, la logique de la décision, pour aborder, d’autre part, ses inspirations.
La logique de la décision
D’emblée, il faut bien concéder que le parallèle entre la déclaration notariée d’insaisissabilité et l’insaisissabilité légale de la résidence principale fait sens, puisque le régime de la seconde a été construit sur celui de la première.
Sans encore évoquer le droit des entreprises en difficulté, un premier constat doit être posé. L’insaisissabilité légale de la résidence principale, comme le mécanisme de la déclaration notariée, crée deux catégories de créanciers : ceux ayant perdu le droit de saisir l’immeuble et ceux qui, au contraire, conservent un tel droit.
Les créanciers professionnels dont les droits sont nés postérieurement au 8 août 2015 – date d’entrée en vigueur de la loi...
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