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Article
Non-respect des délais d’exercice du pourvoi : responsabilité de l’avocat aux conseils
Non-respect des délais d’exercice du pourvoi : responsabilité de l’avocat aux conseils
En application de ses devoirs de diligence et de prudence, l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation est non seulement tenu de s’enquérir auprès de son client de la date d’expiration du délai d’exercice du pourvoi mais il doit également, lorsqu’il ne parvient pas à obtenir une telle information, exercer la voie de recours à son profit, au moins à titre conservatoire.
par Cathie-Sophie Pinatle 12 mars 2019
Cette décision précise les contours de la responsabilité des avocats aux conseils dans l’hypothèse où le pourvoi n’est pas exercé dans les délais.
En l’espèce, c’est par l’intermédiaire de son avocat qu’une société viticole a pris attache avec un avocat aux conseils pour exercer un recours contre un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 31 mai 2013. Le 29 juillet 2013, après avoir émis un avis positif dans le cadre de sa consultation avant pourvoi, l’avocat aux conseils a été informé par l’avocat de la société que cette dernière donnait son accord pour l’exercice du recours. Invité par ailleurs à traiter directement avec le client, l’avocat aux conseils lui a alors écrit le 31 juillet : « sauf instructions contraires de votre part, j’attends que vous m’avisiez de la signification de l’arrêt pour introduire le pourvoi ». Arguant n’avoir reçu ce courrier que tardivement, le client s’est alors tourné vers l’avocat à la cour pour lui faire part, dans un courriel du 9 août, de ses inquiétudes vis-à-vis du dépassement du délai pour exercer le pourvoi en lui joignant l’acte de signification du 10 juin, courriel qui n’a été transféré à l’avocat aux conseils que le 27 août.
C’est finalement dans un contexte estival, souvent marqué par un ralentissement de l’activité professionnelle, que cette succession d’évènements malencontreux a poussé le client à saisir le conseil de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation d’une action en responsabilité sur le fondement de l’article 13, alinéa 2, de l’ordonnance du 10 septembre 1817. L’instance disciplinaire a rendu un avis rejetant l’action de la société et celle-ci a alors formé une requête en indemnisation devant la première chambre civile.
La haute juridiction rejette la requête en indemnisation aux motifs que le pourvoi n’aurait eu aucune chance de prospérer en l’absence de préjudice subi par la société cliente mais reconnaît l’existence d’une faute imputable la société civile professionnelle (SCP). Même si l’avocat aux conseils a sollicité son client pour connaître le point de départ du délai pour exercer le recours et « à défaut de réponse à sa lettre du surlendemain adressée au représentant légal de la société, la SCP aurait dû prendre la précaution de former un pourvoi à titre conservatoire ». La Cour de cassation précise à cet égard que, « lorsqu’il est chargé de former un pourvoi, ou consulté sur ses chances de succès », l’avocat aux conseils « doit non seulement s’enquérir de la date d’expiration du délai mais aussi former en temps utile cette voie de recours extraordinaire, à titre à tout le moins conservatoire » en application de l’article 13, alinéa 2, de l’ordonnance du 10 septembre 1817 et des articles 4, alinéa 3, et 46 du règlement général de déontologie.
Cette solution trouve des assises solides dans les précédents de la Cour de cassation qui a déjà jugé que l’omission de former un pourvoi dans le délai légal suffit à caractériser la faute d’un avocat aux conseils (v. par ex. Civ. 1re, 30 nov. 2016, n° 16-50.024, Dalloz jurisprudence). Elle rapproche également le régime de responsabilité de l’avocat aux conseils avec celui de l’avocat à la cour (v. par ex., pour ce dernier, Civ. 3e, 1er mars 2000, n° 97-21.799, AJDI 2000. 556 ).
Elle va toutefois plus loin en admettant une faute, y compris lorsque l’avocat aux conseils a sollicité sans succès le client pour connaître le délai dont il dispose pour déposer le pourvoi. Cette sévérité est d’autant plus remarquable qu’en l’espèce, ni le client ni son avocat, pourtant tous les deux en lien avec le représentant, n’ont jugé utile de l’informer, au plus tôt, des délais en cause.
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