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Les orientations nationales présentées dans la dernière circulaire de politique pénale

Le 21 mars dernier, Nicole Belloubet, ministre de la justice, garde des Sceaux, a présenté sa circulaire de politique pénale à l’ensemble des membres du parquet.

par Pauline Dufourqle 10 avril 2018

En parallèle des Chantiers de la justice, la garde des Sceaux a exposé le 21 mars 2018 les orientations nationales concernant le ministère public et la justice pénale dans sa circulaire de politique pénale (Dalloz actualité, 16 janv. 2018, art. M. Babonneau ; Dalloz actualité, Le droit en débats, 30 janv. 2018, par M. Herzog-Evans).

Nicole Belloubet a ainsi préconisé certaines mesures destinées à valoriser la place du ministère public avant d’aborder les grands axes de politique pénale. Parmi les principales orientations évoquées, il convient de citer la lutte contre le terrorisme, la consolidation de la cohésion républicaine en luttant contre les différentes formes de racisme et discrimination. D’autres axes sont également mentionnés à l’instar de la lutte contre les violences conjugales et infractions sexuelles, la sanction des manquements à la probité ou encore la protection de la santé et l’environnement.

La volonté de valoriser la place du ministère public

Les premières lignes de la présente circulaire portent sur la question des missions et statuts des membres du ministère public. C’est ainsi que la circulaire indique qu’« il appartient au garde des Sceaux de conduire la politique pénale déterminée par le gouvernement en adressant des instructions générales aux magistrats du ministère public. Ce lien hiérarchique, dont la conformité à la Constitution a été réaffirmée, s’article avec les missions confiées aux procureurs généraux qui précisent et adaptent les instructions de politique pénale aux spécificités des ressorts régionaux et qui coordonnent leur déclinaison locale. Dans cette organisation du ministère public, la conduite impartiale de l’action publique par les procureurs de la République dans les affaires individuelles est garantie tout en préservant la mise en œuvre cohérente de la politique pénale nationale déclinée localement ».

Au soutien de ce développement, le ministère de la justice fait état de la récente décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2017 concernant l’indépendance des magistrats du parquet. Pour rappel, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avait été soulevée concernant la conformité à la Constitution de l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 lequel dispose que « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des Sceaux, ministre de la justice […] ». Selon le Conseil constitutionnel, « les dispositions contestées assurent une conciliation équilibrée entre le principe d’indépendance de l’autorité judiciaire et les prérogatives que le gouvernement tient de l’article 20 de la Constitution ». Ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de séparation des pouvoirs, ni le droit à un procès équitable, ni les droits de la défense, ni aucun autre principe constitutionnel (Cons. const., 8 déc. 2017, n° 2017-680 QPC, AJ pénal 2018. 83, art. A. Taleb-Karlsson ).

Plus intéressant encore, la garde des Sceaux réaffirme sa volonté de renforcer les gages d’impartialité de ces magistrats lors de la prochaine réforme constitutionnelle (Dalloz actualité, 5 oct. 2017, art. M. Babonneau ). Une telle réforme apparaît en effet indispensable à l’aune des exigences conventionnelles. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait ainsi indiqué en 2010 dans ces arrêts Medvedyev (CEDH, gr. ch., 29 mars 2010, n° 3394/03, Medvedyev et autres c. France, Dalloz actualité, 31 mars 2010, obs. S. Lavric ; D. 2010. 1386, obs. S. Lavric , note J.-F. Renucci ; ibid. 952, entretien P. Spinosi ; ibid. 970, point de vue D. Rebut ; ibid. 1390, note P. Hennion-Jacquet ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre ; RSC 2010. 685, obs. J.-P. Marguénaud ) et Moulin (CEDH 23 nov. 2010, n° 37104/06, Moulin c. France, Dalloz actualité, 24 nov. 2010, art. S. Lavric ; D. 2011. 338, obs. S. Lavric , note J. Pradel ; ibid. 2010. 2761, édito. F. Rome ; ibid. 2011. 26, point de vue F. Fourment ; ibid. 277, note J.-F. Renucci ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre ; RSC 2011. 208, obs. D. Roets ) que « les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif, qui, selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l’impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de “magistrat” au sens de l’article, 5, § 3 ».

Les différents axes de politique pénale

Sans grande surprise, l’un des premiers axes mis en exergue par le garde des Sceaux est celui de la lutte contre le terrorisme. Dans cette perspective, la ministre mentionne la création d’un parquet national antiterroriste positionné près le tribunal de grande instance de Paris (Dalloz actualité, 20 févr. 2018, art. G. Thierry isset(node/189259) ? node/189259 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>189259 ; ibid. 19 déc. 2017, art. T. Coustet isset(node/188272) ? node/188272 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188272). Ce parquet constituera l’interlocuteur unique et identifié sur le plan national et international pour l’ensemble de ses partenaires institutionnels. La circulaire insiste également sur la nécessaire implication des différents acteurs dans le cadre de l’articulation des procédures administratives et pénales. Elle rappelle enfin l’importance des instances départementales de suivi pour la prévention de la radicalisation et pour l’accompagnement des familles.

Parallèlement, la garde des Sceaux manifeste une attention particulière aux actions permettant de consolider la cohésion républicaine. Sont ainsi mentionnées la lutte contre toutes les formes de racisme et discrimination ainsi que la protection des personnes plus vulnérables. Sur ce dernier point, il est utile de noter que la lutte contre les violences conjugales reste un axe prioritaire. La circulaire insiste en effet sur la nécessité de développer dans tous les ressorts des dispositifs d’hébergement du conjoint violent afin d’assurer la mise en œuvre des mesures d’éviction. D’autres développements sont également formulés au sujet des violences sexuelles ou encore du traitement judiciaire des mineurs non accompagnés pouvant être exposés à des réseaux de traites des êtres humains.

L’accent est également mis en matière de lutte contre les manquements à la probité. C’est ainsi que la garde des Sceaux insiste sur l’importance de la lutte contre les infractions les plus graves ou complexes en matière économique, financière et fiscale. À cet égard, elle fait état des mérites du dispositif de convention judiciaire d’intérêt public qui permet « une sanction rapide et efficace des infractions d’atteinte à la probité et de blanchiment de fraude fiscale commis par les personnes morales » (Dalloz actualité, 12 mai 2017, obs. P. Dufourq ).

Au surplus, il est indiqué que la lutte contre les infractions en matière économique, financière et fiscale implique de travailler en collaboration étroite avec des administrations diverses, notamment en matière de fraude fiscale. À cet égard, « il convient de développer les opérations coordonnées entre l’autorité judiciaire, les services d’enquête et les administrations concernées telles que la DGFIP et de favoriser les échanges d’informations ».

Enfin, une attention particulière est apportée à la lutte contre les atteintes à la santé et à l’environnement. Dans cette perspective, la circulaire indique que « les différentes affaires sanitaires survenues ces dernières années (Médiator, Dépakine, Lévothyrox, Lactalis, etc.) démontrent la valeur ajoutée des pôles de santé publique de Paris et Marseille, lesquels doivent être saisis des dossiers complexes et/ou qui comptent un nombre important de victimes ».

La conduite de l’action du ministère public dans le cadre de principes directeurs

Afin de mener à bien cette politique pénale, la garde des Sceaux adresse quelques recommandations à l’attention des représentants du ministère public. Il est ainsi préconisé de garantir aux victimes une information régulière et de veiller au respect de leurs droits. Il est également conseillé de diversifier et d’améliorer la qualité de la réponse pénale, en ce qui concerne la question des alternatives aux poursuites, « les mesures à contenu pédagogique comme les stages ou médiations devront être privilégiées par préférence aux rappels à la loi par OPJ ». Parallèlement, le prochain projet de loi qui sera déposé au Parlement d’ici l’été visera à simplifier les conditions de recours à la composition pénale, à l’ordonnance pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Nicole Belloubet indique enfin sa volonté d’améliorer l’efficacité des peines, laquelle repose principalement sur l’individualisation de la sanction prononcée et exécutée dans un délai satisfaisant. Selon la garde des Sceaux, « cette démarche est d’autant plus déterminante que l’emprisonnement ne doit plus aujourd’hui être considéré comme la peine de référence, même dans les hypothèses de réitérations d’actes délictuels. Favoriser, chaque fois que la situation de la personne le permet, le prononcé de peines alternatives à l’incarcération, conformément aux dispositions de l’article 132-19 du code pénal, est le gage d’une meilleure efficacité de la sanction pénale en limitant l’effet désocialisant de la prison et le risque de récidive ».