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Pas de CDD sans signature

Le contrat à durée déterminée sur lequel l’employeur n’a pas apposé sa signature doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

par Mandy Favrelle 28 novembre 2018

Contrat de travail rigoureusement encadré, le contrat à durée déterminée (CDD) a fait l’objet d’un contentieux florissant notamment en matière de requalification en contrat à durée indéterminée (CDI). En effet, le CDD est requalifié lorsqu’il a pour « objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise » (C. trav., art. L. 1242-1) ou lorsqu’il ne comporte pas certaines mentions obligatoires (C. trav., art. L. 1242-12).

Ces mentions obligatoires ne constituent pas toutes une formalité substantielle dont l’absence entraîne la requalification en CDI. À titre d’exemple, il a été jugé que l’omission de l’indication de la convention collective applicable dans le contrat n’entraînait pas la requalification de celui-ci (Soc. 26 oct. 1999, n° 97-42.255 P, D. 1999. 264 ; Dr. soc. 2000. 202, obs. C. Roy-Loustaunau ). Il en est de même concernant l’absence de précision sur la caisse de retraite et de prévoyance (Soc. 28 févr. 2001, n° 98-45.096, Dalloz jurisprudence). Notons, en outre, que, depuis les ordonnances dites Macron (ord. n° 2017-1718, 20 déc. 2017), l’absence de transmission du contrat à durée déterminée dans les deux jours suivant l’embauche ne suffit plus à elle seule à entraîner la requalification en CDI (C. trav., art. L. 1245-1).

À l’inverse, constituent une formalité substantielle la mention du motif de recours (Soc. 3 avr. 1990, n° 87-40.353 ; 12 oct. 1994, n° 91-41.850 ; 20 mai 1997, n° 94-45.460, Dalloz jurisprudence), le nom et la qualification du salarié remplacé, lorsqu’il s’agit d’un CDD de remplacement (Soc. 3 juin 2009, n° 08-41.543) ou encore la mention de la durée minimale en cas de CDD sans terme précis (Soc. 14 janv. 2009, n° 06-46.055 ; 26 oct. 1999, n° 97-41.711, D. 2003. 1602, et les obs. ; Dr. soc. 2003. 712, avis P. Lyon-Caen ; ibid. 880, obs. C. Roy-Loustaunau ).

Quid de l’absence de signature sur le CDD ?

Dans un récent arrêt, très critiqué (Soc. 31 janv. 2018, n° 17-13.131, Dr. soc. 2018. 653, étude S. Tournaux ; RDT 2018. 373, obs. L. Bento de Carvalho ), la chambre sociale avait précisé dans un attendu explicite « que la signature d’un contrat de travail à durée déterminée [avait] le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission [entraînait] à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ». Elle avait toutefois refusé de requalifier le CDD en raison de la mauvaise foi du salarié qui n’avait volontairement pas remis son contrat signé à l’employeur dans le délai.

Dans l’affaire commentée, ce qui posait problème était le défaut de signature… de l’employeur. En l’espèce, la salariée avait été engagée entre le 31 mars 2009 et le 19 mars 2012 par douze contrats à durée déterminée de remplacement. Elle demandait la requalification de la relation contractuelle en CDI au titre de plusieurs moyens, dont l’absence de signature par l’employeur.

Sur le défaut de signature, la cour d’appel précise que cette irrégularité ne pouvait pas entraîner la requalification de la relation contractuelle en raison du fait qu’il n’était pas contesté par la salariée que les contrats conclus l’avaient bien été avec celui dont la signature faisait défaut, en l’occurrence l’employeur.

Les juges du fond préfèrent requalifier le contrat pour un autre motif. Selon eux, l’un des contrats, conclu le 16 décembre 2010 pour le remplacement d’un salarié parti à la retraite, avait pour objet de pourvoir un emploi permanent et devait être, en conséquence, requalifié en CDI.

Pour la salariée, cette solution n’est pas satisfaisante. Elle reprend dans son moyen la solution précitée selon laquelle la mention de la signature constitue « une prescription d’ordre public » et rappelle que les effets de la requalification, lorsqu’elle est prononcée, remontent à la date du premier contrat à durée déterminée irrégulier, lequel en l’espèce est celui comportant le défaut de signature.

La chambre sociale fait droit à sa demande et considère que « faute de comporter la signature de l’une des parties, les contrats à durée déterminée ne pouvaient être considérés comme ayant été établis par écrit et qu’ils étaient par suite, réputés conclus pour une durée indéterminée ». À ce titre, elle censure l’arrêt d’appel en ce qu’il fixe les effets de la requalification de la relation de travail à la date du 16 décembre 2010 alors qu’il aurait dû remonter à la date du contrat ne contenant pas la signature de l’employeur.

Cet arrêt, comme bien d’autres, concernait des contrats de remplacement, sources de difficultés. En effet, un même CDD ne peut permettre de remplacer plusieurs salariés. Il est par conséquent nécessaire de conclure un CDD à chaque fois. La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ouvre la possibilité – à titre expérimental et dans certains secteurs définis par décret – de conclure un seul CDD pour plusieurs remplacements. Espérons que cela permette de réduire les erreurs.