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La politique publique de l’amiable : après les décrets, la circulaire (2e partie)

La circulaire du 17 octobre 2023 de mise en œuvre, dans les procédures judiciaires civiles, de la politique publique de l’amiable est accompagnée d’annexes, consistant en quatre « fiches », qui abordent respectivement l’audience de règlement amiable (ARA), la césure et l’article 750-1 du code de procédure civile, puis l’évaluation de la politique publique de l’amiable.

V. la 1re partie de l’article, Dalloz actualité, 14 nov. 2023

 

Fiche 2 : la césure du procès

La césure fait l’objet des articles 807-1 à 807-3 du code de procédure civile créés par le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023, l’article 905 dudit code étant modifié pour l’intégrer. Aucun article ne donne une définition de la « césure du procès », ni même ne la mentionne mais leur lecture permet de comprendre le mécanisme.

Il consiste pour les parties à scinder leurs prétentions et à solliciter du tribunal judiciaire qu’il rende un jugement partiel uniquement sur les prétentions qu’elles déterminent : le régime de ce jugement est exposé (il est susceptible d’appel immédiat et peut-être assorti de l’exécution provisoire).

En revanche, le sort des prétentions non concernées par la clôture n’est pas envisagé par le décret. De plus, il n’est jamais fait mention de l’amiable si ce n’est dans la notice du décret : « les parties peuvent tirer les conséquences du jugement partiel sur leurs autres prétentions, notamment en recourant à une médiation ou une conciliation de justice », si bien que « les parties peuvent tout aussi bien rester dans une position purement contentieuse et attendre que la mise en état des questions restantes soit close »1.

Alors que le décret est peu disert sur la césure, et totalement muet sur l’amiable annoncé par son intitulé, la circulaire présente les conditions d’ouverture, la clôture partielle, le jugement partiel, la poursuite de la mise en état et l’issue de l’instance – confirmant ou infirmant les interprétations doctrinales2.

D’emblée, la circulaire introduit un vocabulaire pertinent (qui ne figure pas dans le décret) : elle décrit la césure comme permettant « de solliciter un jugement tranchant les points nodaux du litige afin de leur permettre ensuite de résoudre les points subséquents via un MARD [mode alternatif de règlement des différends] ou, à défaut, un resserrement du débat judiciaire »3. Pour autant, elle ne fournit pas d’exemple de « points nodaux ». On peut en trouver dans la pratique de la chambre de la propriété intellectuelle du Tribunal judiciaire de Paris4 : dans un litige de contrefaçon, le tribunal judiciaire peut d’abord statuer sur la question de la validité d’un brevet et reporter l’examen des actes de contrefaçon : si le brevet est nul, l’examen de la contrefaçon est inutile…

Une difficulté vient de ce que, passée l’introduction générale et celle de la fiche 25, la circulaire ne parle plus de points nodaux d’un côté et de points subséquents de l’autre, mais de prétentions séparables, qui pourraient dès lors être d’égale importance, sans hiérarchie entre elles. Or cette conception de la séparabilité de prétentions « égales » l’emporte sur celle de leur hiérarchisation : la circulaire n’est dès lors plus très claire sur le déroulement de la césure.

Conditions d’ouverture

La circulaire reprend l’article 807-1 du code de procédure civile qui évoque l’initiative de la césure et la forme de la demande : « À tout moment, l’ensemble des parties constituées peut demander au juge de la mise en état [JME] la clôture partielle de l’instruction. Elles produisent à l’appui de leur demande un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles elles sollicitent un jugement partiel ». Elle précise que les conclusions doivent être spécialement adressées au JME ce qui va de soi (C. pr. civ., art. 791).

En revanche elle apporte des précisions sur le « périmètre » : seules les parties identifient et déterminent les prétentions qui seront concernées par la clôture partielle – ce qui n’empêche pas une « discussion sur le périmètre de la césure entre le juge et les avocats » ; elle insiste sur la « séparabilité des prétentions »6.

Clôture partielle

Bien que cela aille de soi, la circulaire informe les lecteurs que l’ordonnance de clôture partielle consiste en une nouvelle catégorie d’ordonnance de clôture (l’article 807-2 c. pr. civ. renvoie aux articles 798, 799, alinéas 2 à 4, ainsi que 802 à 807)7, dont l’objet n’est pas de sanctionner un comportement (comme celle de l’article 800 c. pr. civ.), mais qui demeure une mesure d’administration judiciaire – que le JME ordonne « en opportunité ».

La circulaire évoque surtout les suites de la demande de césure :

  • soit le JME la rejette et la mise en état poursuit son cours… sans amiable ;
  • soit le JME y fait droit et il y a scission du litige : « la mise en état est poursuivie quant aux prétentions qui sont hors du champ de la clôture partielle »8.

Ce qui peut sembler surprenant : pourquoi ne pas mettre la mise en état « en sommeil »,...

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