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Procédure civile et propriété intellectuelle : retour sur l’étendue des pouvoirs du juge de la mise en état

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, a apporté des modifications substantielles à la procédure civile, notamment en élargissant les compétences du juge de la mise en état vers le fond du litige. Depuis lors, on observe une fragmentation significative du traitement des contentieux entre le tribunal et le juge de la mise en état, ce dernier étant désormais responsable de l’examen des moyens d’irrecevabilité avant toute poursuite devant la formation de jugement.

L’objectif de la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, est d’accélérer le déroulement des procédures judiciaires et d’éviter, lorsque des moyens d’irrecevabilité sont retenus, un renvoi au fond souvent long et coûteux. Cependant, le texte législatif souffre d’un manque de précision, ce qui conduit de nombreux intimés à saisir le juge de la mise en état paralysant la procédure, notamment en cas d’appel des ordonnances. Cette tendance entraîne, à l’opposé de la simplification recherchée, une véritable saturation des tribunaux judiciaires.

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’arrêt commenté. Par sa décision en date du 6 octobre 2023, la Cour d’appel de Paris cherche à clarifier une fois de plus l’étendue des pouvoirs du juge de la mise en état dans les litiges relatifs à la propriété intellectuelle.

Procédure

La société Digimind est spécialisée dans l’analyse des médias sociaux et de veille concurrentielle qui reposent principalement sur la surveillance des sites internet. Ces activités permettent aux clients de Digimind de bénéficier grâce à ses logiciels, non pas directement des contenus crawlés, tels que des articles de presse, mais plutôt d’analyses de ces contenus, accompagnés éventuellement d’hyperliens pointant vers les sites des éditeurs d’où proviennent ces contenus. Cette approche permet aux utilisateurs de prendre connaissance des informations à la source de leur publication, une pratique qui demeure autorisée en soi.

Les sociétés éditrices de presse, Le Figaro, Le Parisien et Les Échos, suspectant des actes de contrefaçon et subsidiairement de parasitismes commis par la société Digimind aux fins de son activité, ont fait dresser des procès-verbaux de constat par huissier les 24 avril et 13 mai 2019. Autorisées par ordonnance sur requête du 8 janvier 2021, elles ont également fait diligenter des opérations de saisie-contrefaçon le 2 février 2021 dans les locaux de la société Digimind.

Les demandeurs tentent ainsi de démontrer que le service proposé par Digimind et plus globalement le fonctionnement de sa plateforme, impliquent nécessairement des actes de reproduction et d’indexation au sein d’une base de données, des contenus collectés en masse sur leurs sites, sans lesquels l’appelante ne pourrait proposer à ses clients de tels analyses et liens hypertextes pertinents. Une affirmation que conteste Digimind.

Après avoir, en vain, tenté d’obtenir la main levée de l’ordonnance du 8 janvier 2021 puis la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon, Digimind a été assignée par Les Echos, Le Figaro et Le Parisien devant le Tribunal judiciaire de Paris.

Par conclusions d’incident en date du 15 mars 2022, la société Digimind a soulevé la nullité de l’assignation ainsi que différentes fins de non-recevoir devant le juge de la mise en...

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