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Le projet de loi ELAN : aspects de droit public

Réorganisation des organismes de logement social, nouvelles procédures d’aménagement, réforme du contentieux de l’urbanisme… Le volumineux projet de loi ELAN touche de nombreux pans du droit administratif.

par Marie-Christine de Monteclerle 6 avril 2018

Après plusieurs mois de concertation, passant notamment par une conférence de consensus au Sénat (v. AJDA 2018. 300 ), le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, a présenté au conseil des ministres du 4 avril son projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN). Un texte de 65 articles parce que, a expliqué le secrétaire d’État Julien Denormandie lors du compte rendu du conseil des ministres, « nous avons essayé de trouver des solutions pour chaque problème ».

En ce jour de présentation de leur texte et alors que les politiques du gouvernement font l’objet de multiples contestations, Jacques Mézard et Julien Denormandie ont enregistré une satisfaction majeure. Avant même la fin du conseil des ministres, l’Union sociale pour l’habitat (USH) – naguère très fâchée avec le gouvernement en raison de la baisse des loyers qui lui a été imposée – a proclamé dans un communiqué son accord avec les mesures relatives au logement social prévues par le projet de loi. Jacques Mézard et Jean-Louis Dumont, président de l’organisation représentative des bailleurs sociaux, ont d’ailleurs signé le jour même un protocole formalisant cet accord et la volonté du mouvement HLM d’accompagner la réforme.

Réorganiser le secteur du logement social

Il est vrai que c’est sur le volet logement social que le projet du gouvernement a le plus évolué. Il a renoncé à imposer par ordonnance des fusions d’organismes. Il ne s’agit plus que de donner à ceux-ci des instruments, notamment en rendant possibles les fusions entre offices publics et sociétés d’économie mixte. De même, reconnaît le ministre, il faut « maintenir la proximité », ce qui implique au minimum une structure par département. Cependant, les organismes gérant moins de 15 000 logements devront appartenir à un groupe. Ceux-ci, qui auront la même taille minimale, pourront notamment prendre la forme de société anonyme de coordination, nouvelle structure créée par la loi et dotée de prérogatives spécifiques (mutualisation des ressources financières, élaboration du plan stratégique du patrimoine, etc.). Le projet prévoit également diverses mesures de simplification pour le secteur, notamment la possibilité de créer des filiales. Outre des dérogations à la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique, le gouvernement veut permettre aux organismes HLM de déroger à l’obligation de recourir à des concours d’architectes.

Le dispositif d’attribution des logements sociaux est une nouvelle fois revu, avec l’obligation de mettre en place une cotation des demandes. Les commissions d’attribution se voient, dans les zones tendues, attribuer une nouvelle mission, celle de réexaminer, à la demande du bailleur, la situation des locataires dont le logement n’apparaît plus adapté (sous-occupation, sur-occupation, dépassement du plafond de ressources, etc.). Enfin, le gouvernement veut faciliter la vente des logements HLM, d’abord pour encourager l’accession à la propriété, ensuite pour permettre le financement de nouvelles constructions. L’objectif fixé est de 40 000 ventes, soit 1 % du parc d’ici la fin du quinquennat. Pour ce faire, les conventions d’utilité sociale devraient contenir un plan de vente. La consultation des domaines ne sera plus requise. Le texte fixe une liste d’acquéreurs prioritaires, en tête desquels, bien sûr, l’occupant. Un nouveau type d’organisme est créé : la société de vente d’habitations à loyer modéré. Elle aura pour seul objet l’acquisition de logements à des bailleurs sociaux en vue d’une revente. À noter, par ailleurs, que les logements ainsi vendus resteront pris en compte dans le quota de logements sociaux de la commune pendant dix ans au lieu de cinq.

Urbanisme et aménagement : petites mesures et grands projets

Faciliter la construction est l’objectif majeur du texte. Cela passe à la fois par des mesures de simplification en matière d’urbanisme et par de nouveaux outils d’aménagement. Au premier rang de ceux-ci, le projet partenarial d’aménagement (PPA) associe l’État et un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), un établissement public territorial, la ville de Paris ou la métropole de Lyon avec, éventuellement un acteur privé ou une société publique locale, pour favoriser la réalisation de projets d’aménagement. Les plus importants de ceux-ci pourront être qualifiés de grande opération d’urbanisme (GOU). Cette qualification entraîne la compétence du président de l’EPCI pour délivrer les permis de construire – mesure à laquelle s’oppose l’Association des maires de France – ou encore la possibilité pour une commune de confier à celui-ci la réalisation d’équipements. Le projet revoit également le régime juridique des opérations d’intérêt national. Pour les villes moyennes, l’opération de requalification des territoires (ORT) est un nouvel outil contractuel. S’il prendra en compte l’ensemble des sujets (habitat, développement économique), il vise surtout à la revitalisation commerciale. Il permet ainsi de dispenser d’autorisation d’exploitation commerciale les magasins s’installant en centre-ville. Parallèlement, le préfet pourra suspendre, pendant trois ans au maximum, l’enregistrement et l’examen des demandes d’autorisation en périphérie.

S’agissant de projets de moindre ampleur, il est prévu de faciliter la transformation de bureaux en logements en accordant à ces opérations un bonus de constructibilité. L’avis de l’architecte des bâtiments de France ne sera plus conforme pour les opérations de lutte contre l’habitat indigne et les pylônes de téléphonie mobile. Par ailleurs, le gouvernement sera autorisé à légiférer par ordonnance pour simplifier la hiérarchie des normes des documents d’urbanisme et revoir le régime des schémas d’aménagement régional. Enfin, s’agissant du contentieux, le texte reprend les mesures proposées par le rapport Maugüé (AJDA 2018. 76 ).

Le projet de loi ELAN prévoit aussi…

  • une simplification de la cession avec décote du foncier public pour la réalisation de logements ;
     
  • la création d’une catégorie d’immeubles de « moyenne hauteur » ;
     
  • l’extension de la possibilité de réquisition de locaux pour des hébergements d’urgence ;
     
  • la dématérialisation de l’instruction des autorisations d’urbanisme à compter du 1er janvier 2022 (sauf pour les petites communes) ;
     
  • une expérimentation de l’encadrement des loyers ;
     
  • un renforcement de la lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil.