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Remise du rapport Modernisation de la publicité foncière

Le 12 novembre 2018, la Commission de réforme de la publicité foncière, présidée par le professeur Laurent Aynès, a remis au ministre de la justice, un rapport dans lequel elle rappelle les origines, les finalités et le fonctionnement de la publicité foncière, avant de présenter plusieurs propositions de modifications législatives, à la fois formelles et substantielles, dans le but de moderniser le système actuel. 

par Delphine Peletle 19 novembre 2018

La publicité foncière aujourd’hui

Décrite dans le cadre de 145 articles, issus principalement des décrets n° 55-22 du 4 janvier et n° 55-1350 du 14 octobre 1955, la publicité foncière a pour principale finalité de rendre opposables aux tiers les transferts de propriété et de porter à leur connaissance les actes juridiques susceptibles de modifier la situation des immeubles. Elle constitue du reste un levier fiscal si l’on considère les taxes prélevées à l’occasion des formalités (taxe de publicité foncière, contribution de sécurité immobilière [CSI]) et, plus généralement, l’ensemble des impôts fonciers dont le recouvrement est rendu plus efficace grâce aux données du cadastre et du fichier immobilier.

La publicité foncière ne s’est pas toujours imposée avec évidence dans notre système juridique, ce qui explique son apparition relativement tardive. En premier lieu, les propriétaires fonciers craignaient de voir leur patrimoine divulgué, soit que celui-ci était conséquent, soit, au contraire, que celui-ci révélait un certain niveau d’endettement. En second lieu, l’instauration de la publicité foncière a été ajournée en raison d’une mauvaise connaissance des sols. En 1804, la publicité foncière était organisée sur une base exclusivement personnelle, qui a rapidement montré ses limites (homonymies, erreurs dans la table alphabétique, etc.), avant que soit créé en 1955 un fichier immobilier en lien avec le cadastre.

« Confortative » et non « constitutive », la publicité foncière ne conditionne pas l’existence du droit, en accord avec le principe du transfert solo consensu, pas plus qu’elle ne constitue une preuve de son existence. La publicité foncière permet de vérifier que le bien que l’on projette d’acheter appartient au vendeur et n’a pas déjà été transféré à un tiers ; elle règle, le cas échéant, les conflits susceptibles d’intervenir entre acquéreurs successifs, en privilégiant le « primo-publiant ». Deux conditions président au dépôt d’un acte au service de la publicité foncière. Sauf exceptions, celui-ci doit avoir été dressé en la forme authentique et « le titre du disposant ou dernier titulaire doit avoir été préalablement publié », conformément à la règle de l’« effet relatif », qui vise à éviter toute rupture de continuité dans la chaîne des mutations de propriété.

La publicité foncière a également pour objet de consigner l’étendue des charges susceptibles de grever un immeuble (passif hypothécaire, servitudes, règlement de copropriété, classement en monument historique, baux de longue durée, etc.). Elle constitue, en cela, un outil de fixation de la valeur vénale du bien, que les parties ont intérêt à consulter. À cette fin, ces dernières ont librement accès au fichier immobilier, comme le prévoit l’article 2449 du code civil. Les informations répertoriées dans le cadre de la publicité foncière ont contribué à faire d’elle une institution de police civile ; la généalogie des immeubles y est fidèlement retracée, au point que la liste des actes à publier n’a cessé de s’allonger, au-delà des seuls droits réels immobiliers.

La publicité foncière demain

Sur la forme : renforcer l’accessibilité

Sur le plan formel, la Commission de réforme propose de rassembler les textes et d’insérer dans le code civil une théorie générale de la publicité foncière, qui pourrait faire l’objet d’un titre cinquième dans le livre II relatif aux biens. Celui-ci serait subdivisé en trois chapitres se rapportant aux actes soumis aux formalités de publicité foncière, à l’exécution de ces formalités et au fonctionnement de la publicité foncière. Afin de pallier le déficit d’accessibilité de la réglementation actuelle, il convient, selon la Commission, de réunir dans le code civil les principes directeurs du droit de la publicité foncière et de réserver le détail du régime applicable à la partie réglementaire (modalités de publication, délivrance des renseignements, gestion du service, etc.).

Dans un souci de modernisation des textes et afin de garantir une meilleure lisibilité, la Commission propose une série de modifications visant à simplifier le vocabulaire employé et à faire disparaître l’ensemble des expressions ou des références qui ne correspondent plus à la réalité, notamment du fait de l’informatisation du fichier et de la dématérialisation des échanges.

Sur le fond : renforcer l’efficacité

La Commission souhaite « hiérarchiser les fonctions de la publicité foncière », en tant qu’instrument de sécurité juridique, afin que le fichier immobilier ne soit plus le réceptacle de toute l’historiographie de l’immeuble, mais qu’il se recentre sur les informations génératrices de conflits ou ayant des incidences sur la sécurité du commerce immobilier. La Commission propose, entre autres, d’abandonner l’exigence de publication des droits personnels assimilés à des droits réels (tels que les baux de plus de douze ans ou les contrats de promotion immobilière).

La Commission poursuit également un « objectif d’accroissement de la sécurité juridique ». S’agissant notamment de la publication des avant-contrats, elle propose d’assortir la publicité des promesses unilatérales et des pactes de préférence de l’opposabilité aux tiers, en laissant néanmoins les parties libres d’y renoncer.

Afin d’encourager la publication des promesses synallagmatiques de vente, il est suggéré de supprimer la CSI de 0,1 % et de lui substituer une contribution fixe de 15 €. Par ailleurs, en ce qui concerne le règlement des conflits entre acquéreurs successifs, la Commission milite pour l’abrogation de la référence à la « bonne foi » contenue à l’article 1198, alinéa 2, du code civil, car celle-ci contreviendrait à l’objectif de prévisibilité de la publicité foncière.

Enfin, la Commission envisage une « modernisation de l’organisation » de la publicité foncière, qui impliquerait l’amélioration de la tenue des registres et, ce faisant, la généralisation de la dématérialisation du dépôt, l’unification des règles de refus et de rejet, ou bien encore le développement des cas de radiation, afin d’alléger le fichier immobilier des mentions ayant perdu leur efficacité juridique. Cette recherche de modernisation passerait également par un accès facilité aux informations de la publicité foncière, grâce à la création d’un guichet unique et à la généralisation de l’accès dématérialisé au fichier immobilier, en dehors des professions concernées (à l’exception toutefois de certains renseignements dont la libre communication porterait atteinte au respect de la vie privée).