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Résiliation d’un contrat d’édition pour manquement à l’obligation d’exploiter

Si l’éditeur n’est pas garant du succès, son manque de réactivité dans les actions de promotion du livre, et, surtout, la désorganisation de son réseau de distribution au cours de la période suivant immédiatement la publication d’une œuvre, cruciale pour ses chances de succès, constitue des manquements d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat à ses torts.

Un auteur avait conclu avec un éditeur un contrat d’édition portant sur la publication d’un ouvrage avant de l’assigner en résolution et en paiement de dommages et intérêts en raison d’un manquement à l’obligation d’exploiter l’œuvre de manière permanente et suivie. Le tribunal de grande instance de Rennes avait alors prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de l’éditeur, et avait condamné ce dernier au paiement de deux sommes : 5 000 au titre du préjudice moral et financier et 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les juges de première instance s’appuyaient, d’une part, sur les fondements légaux classiques en rappelant l’obligation pour l’éditeur d’assurer une « exploitation permanente et suivie ainsi qu’une diffusion commerciale conformément aux usages de la profession » (v., CPI, art. L. 132-1 et L. 132-12). Ils visaient, d’autre part, un accord interprofessionnel conclu entre auteurs et éditeurs disposant que l’éditeur doit, dans le cadre de l’édition sous une forme imprimée « présenter l’ouvrage sur les catalogues », « indiquer sa disponibilité dans les bases de données », « rendre l’ouvrage disponible dans une qualité respectueuse de l’œuvre » et « livrer les commandes des libraires dans des délais raisonnables » (v. Accord CPE/SNE du 1er déc. 2014, art. 4.1). Ils relevaient, enfin, que les clauses du contrat d’édition prévoyaient un premier tirage minimum à 500 exemplaires et stipulaient que l’éditeur était tenu d’assurer toutes les demandes de livraison et d’avoir à cet effet en permanence en stock un nombre d’exemplaires suffisant.

Pour apprécier l’exécution de l’obligation d’exploiter incombant à l’éditeur, les juges avaient alors procédé en deux temps. Ils relevaient d’abord l’ensemble des indices allant dans le sens du respect de cette obligation : l’éditeur avait bien publié l’œuvre et procédé à son dépôt légal, il avait « présenté celle-ci à un salon », il avait « effectué des démarches en vue de son référencement » et bien eu « quelques contacts avec la presse ».

Cependant, les juges relevaient ensuite des éléments de nature à caractériser un manquement : « son obligation d’exploitation commerciale et suivie, qui lui imposait de placer l’œuvre chez les libraires ou de la faire référencer chez les diffuseurs ainsi que d’assurer sa promotion, ne s’était traduite par aucune diligence, et que deux mois à compter de la publication, l’œuvre était tout simplement « inconnue, indisponible ou présentée comme épuisée sur les sites de l’internet de plusieurs libraires et diffuseurs ». Retenant alors que l’obligation principale de l’éditeur n’avait pas été respectée, le tribunal avait prononcé la résolution judiciaire du contrat aux torts de l’éditeur en condamnant ce dernier à verser 5 000 € de dommages et intérêts à l’auteur.

L’éditeur faisait appel de la décision et demandait alors que l’auteur soit débouté et condamné à 10 000 € pour procédure abusive (ainsi que 8 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel). L’auteur réitérait sa demande et réclamait une reconsidération du montant des préjudices subis, la résolution du contrat ayant entrainé selon lui des préjudices évalués à plus de 30 000 €.

L’argument de la procédure abusive écarté

Au...

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