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Rupture brutale des relations commerciales établies : application aux prestations assurées par une société envers ses associés

Un rapport d’affaires, en l’espèce des prestations de services, relève du dispositif de la rupture brutale des relations commerciales établies, quand bien même ce rapport aurait été noué entre une société prestataire et un associé client. Les rapports sociétaires (adhésion, retrait, exclusion) ne relèvent pas, quant à eux, du dispositif de la rupture brutale. Si la distinction est opportune, certains montages de la distribution pourraient l’éprouver et rendre malaisée la distinction.

L’arrêt commenté intéressera les spécialistes du droit des sociétés et du droit économique tant celui-ci se situe à la frontière de ces deux matières. La vie des affaires conduit fréquemment à la coexistence de relations de nature différente au sein d’un même environnement. Il en va ainsi des relations nouées dans une coopérative, un GIE ou une société commerciale. Premièrement, des rapports sociétaires se nouent. Il s’agit du rapport coopérative/adhérent, GIE/membre ou société/associé. Deuxièmement, des rapports d’affaires peuvent s’additionner. La société effectue par exemple des prestations de services au bénéfice de l’associé (ou l’inverse).

La frontière entre rapports sociétaires et rapports d’affaires peut être ténue. Tout se passe dans un même environnement. Opérer la distinction est pourtant essentiel. Les règles applicables à ces deux rapports ne sont pas les mêmes. Pour ce qui nous intéresse, la question est la suivante : quel dispositif appliquer lorsque le rapport sociétaire ou le rapport d’affaires prend fin ?

Depuis une dizaine d’années, les juridictions apportent, au fil de l’eau, des précisions. L’affaire commentée s’inscrit dans ce mouvement. En l’espèce, la société prestataire (Mecarungis) délivre un outil informatique de caisse centrale et d’aide à la comptabilité à ses associés clients. L’un d’eux (la société GRG) rompt la relation avec un préavis de huit mois. Estimant que ce préavis est insuffisant, le prestataire victime assigne l’auteur de la rupture sur le fondement d’un dispositif bien connu : la rupture brutale des relations commerciales établies (C. com., ex-art. L. 442-6, I, 5°, applicable à l’espèce ; aujourd’hui, art. L. 442-1, II).

Le cœur du litige se loge dans l’application, ou non, du dispositif de la rupture brutale. Condamné en appel à plus de 200 000 € de dommages-intérêts (Paris, 5 oct. 2022, n° 20/16548), l’auteur de la rupture soutient, dans le pourvoi formé, que ce dispositif ne s’applique pas en l’espèce. Plus précisément, il est avancé que le rapport noué relève, non d’un rapport d’affaires, mais d’un rapport sociétaire car la société prestataire avait pour objet de proposer des contrats à ses associés, ce afin de mutualiser les coûts et risques.

La solution de la cour d’appel est confirmée (Com. 4 sept. 2024, n° 23-10.446, CCC 2024. Comm. 161, obs. N. Mathey). Le dispositif de la rupture brutale s’applique bien aux prestations de services assurées par la société au bénéfice de ses associés. Selon la Cour de cassation : le litige portait sur la rupture « de la relation d’affaires issues des contrats », non sur « un éventuel retrait [de l’associé client] de la [société prestataire] » (arrêt, § 10). Sans nous arrêter sur la partie excluant toute violation du monopole légal des experts comptable en raison des prestations réalisées (arrêt, § 6), la solution appelle trois observations au regard des certitudes et des interrogations pratiques qui persistent.

Premièrement, les rapports sociétaires (ou internes) ne relèvent pas du dispositif de la rupture brutale. L’affirmation a été posée en matière de coopérative, à propos des conditions d’adhésion, de retrait et d’exclusion des membres par l’arrêt Roland Vanbelle, l’espèce concernant l’exclusion d’un...

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