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Sonorisation : obligation de motivation à peine de nullité

L’ordonnance par laquelle le juge d’instruction autorise les officiers de police judiciaire à mettre en place un dispositif de sonorisation doit être motivée au regard d’éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure. L’absence d’une telle motivation fait grief aux personnes dont les propos ont été captés et enregistrés.

par Cloé Fonteixle 20 janvier 2015

Prévue par les articles 706-96 et suivants du code de procédure pénale depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004, la sonorisation constitue l’une des mesures d’instruction les plus attentatoires à l’intimité de la vie privée, en ce qu’elle permet la mise en place d’un dispositif « ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé ». A ce titre, elle n’est applicable qu’en matière de criminalité et de délinquance organisées, et sa mise en œuvre se trouve subordonnée au respect de strictes garanties. Cet encadrement s’imposait au législateur, tant en raison des exigences constitutionnelles (Cons. const. 2 mars 2004, n° 2004-492 DC ; D. 2004. 2756 , obs. B. de Lamy ; ibid. 956, chron. M. Dobkine ; ibid. 1387, chron. J.-E. Schoettl ; ibid. 2005. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RSC 2004. 725, obs. C. Lazerges ; ibid. 2005. 122, étude V. Bück ; RTD civ. 2005. 553, obs. R. Encinas de Munagorri ), que des garanties imposées par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme lorsqu’il s’agit de limiter le droit à la vie privée. La loi prévoit notamment que le juge d’instruction doit autoriser cette mesure, après avis du procureur de la République, par ordonnance motivée. Cette exigence de motivation a notamment pour but de vérifier, conformément au second paragraphe de l’article 8 de la Convention européenne, que l’ingérence « corresponde à un besoin social impérieux et, en particulier, qu’elle soit proportionnée au but légitime poursuivi » (CEDH 2 sept. 2010, Uzun c/ Allemagne, req. n° 35623/05, § 78 ; D. 2011. 724, obs. S. Lavric , note H. Matsopoulou ; RSC 2011. 217, obs. D. Roets ). Le présent arrêt témoigne de la force de cette exigence, en insistant non seulement sur la teneur de l’obligation de motivation du juge d’instruction, mais encore sur la sanction radicale de sa méconnaissance.

En l’espèce, après la clôture, faute de résultat, d’une première d’information portant sur la disparition d’un journaliste, des déclarations d’une personne ayant indiqué avoir assisté aux faits et mettant en cause plusieurs personnes conduisent à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction. Suivant cette piste, le juge d’instruction rend une ordonnance autorisant, pour une durée de deux mois, une sonorisation aux domiciles de deux des personnes désignées. Cette...

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