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Témoignage en cour d’assises : le poids des déclarations incriminantes

Dans trois arrêts, la Cour de cassation réaffirme, au travers de la déposition d’un témoin, le nécessaire respect des droits de la défense de l’accusé et, plus largement, des règles de procédure pénale, compte tenu de leur influence sur le fond d’une affaire criminelle.

par Julie Galloisle 21 janvier 2016

Souvent perçue comme la matière des gens malhonnêtes, la procédure pénale est surtout la matière qui conduit à la manifestation de la vérité dans le respect des droits de la personne poursuivie. Aussi, lorsque les principes qui lui sont attachés sont méconnus, cette méconnaissance offre naturellement au criminel une possibilité d’échapper à une condamnation. C’est ainsi que, pour contrer d’éventuelles dépositions incriminantes émanant d’un témoin, un accusé peut invoquer les préceptes de la procédure pénale, comme l’attestent différemment les trois arrêts rendus par la chambre criminelle le 16 décembre 2015.

À l’appui des règles propres au code de procédure pénale, l’accusé peut d’abord se prévaloir des dispositions de l’article 331, imposant aux personnes régulièrement acquises aux débats criminels (V. Crim. 28 avr. 2011, n° 10-85.020, Dalloz jurisprudence) de prêter serment (C. pr. pén., art. 331 ; V. not. Crim. 26 nov. 1980, n° 80-92.740, Bull. crim. n° 318). Car le défaut de cette formalité substantielle entraîne la nullité de la procédure ayant abouti à la condamnation de la personne poursuivie (V. Crim. 13 juill. 1923, Bull. crim. n° 269 ; 28 févr. 1946, D. 1946. 186). Méconnaît en effet les dispositions de l’article 331 du code de procédure pénale le président de cour d’assises qui continue d’entendre, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, un témoin régulièrement acquis, à titre de simples renseignements, après avoir constaté qu’il avait omis de le faire prêter serment (V. Crim. 13 nov. 1986, n° 86-93.267, Bull. crim. n° 341). Seules les personnes dites « reprochables » ne sont pas soumises à l’obligation de prêter serment. L’article 335 du même code énumère en effet ces personnes pouvant voir leurs dépositions exclues de la foi du serment au prétexte qu’elles présentent un lien de parenté ou d’alliance avec l’accusé, à l’instar de l’époux, même divorcé (C. pr. pén., art. 335, 5°). Dans la première espèce du 16 décembre 2015 (n° 14-87.234), un accusé contestait la déposition sans prestation de serment de l’un des témoins avec lequel il n’était uni que par un mariage religieux dépourvu d’effet légal en France parce que contracté à l’étranger et à une date où il était toujours marié à sa première femme. Si la Cour de cassation n’a pas accueilli le moyen au motif que, imposant des vérifications factuelles, « le fait constitutif d’une cause d’exclusion du serment ne [peut] être contesté pour la première devant [elle] », ses chances d’aboutir étaient pourtant élevées. Par le passé, les juges répressifs ont déjà eu l’occasion de refuser l’extension de l’article 335 du code de procédure pénale spécifiquement à la personne qui n’a été unie à l’accusé que par un mariage religieux célébré alors qu’un précédent mariage, civil, n’était pas dissous (V. Crim. 12 janv. 1983, n° 82-91.501, Bull. crim. n° 16 ; RSC 1983. 687, obs. J. Robert ; D. 1983, IR 244, note J.-M. R.) ou, plus largement, à celle qui ne vit qu’en concubinage (V. Crim. 22 janv. 1957, Bull. crim. n° 63 ; 25 févr. 1958, Bull. crim. n° 190 ; 21 mars 1973, n° 72-93.333, Bull. crim. n° 141), même stable (V. Crim. 15 oct. 1986, n° 86-90.959, Bull. crim. n° 289). En outre, la jurisprudence semble demeurer toujours attachée à une lecture limitative des dispositions de l’article 335, exclusive de toute analogie. En atteste un récent arrêt dans lequel la chambre criminelle a jugé, après avoir exclu les oncles et tantes (V. Crim. 9 janv. 1980, n° 79-92.165,...

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