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Toujours pas de substitution du titre exécutoire pour la saisie des rémunérations !

Le débiteur devant être informé, avant l’audience de conciliation, de l’objet de la demande et de l’état des sommes réclamées, le créancier ne peut substituer un autre titre exécutoire à celui qu’il a joint à sa requête.

L’arrêt rendu le 2 mai 2024 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne se borne pas à préciser un point de la procédure de saisie des rémunérations ; à sa manière, il témoigne également de l’influence grandissante des exigences du droit à un procès équitable sur le droit judiciaire privé et les procédures civiles d’exécution.

Le créancier qui entreprend de procéder à la saisie des rémunérations de son débiteur doit remettre ou adresser au greffe du juge de l’exécution une requête – qui doit notamment mentionner « l’objet de la demande » et « le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts » (C. trav., art. R. 3252-13 ; C. pr. civ., art. 54 et 57) – à laquelle doit être jointe une copie du titre exécutoire qui sert de fondement aux poursuites (C. trav., art. R. 3252-13). Cela fait, le greffier de la juridiction convoque le débiteur à l’audience de conciliation en lui adressant un pli qui contient « l’objet de la demande et l’état des sommes réclamées, avec le décompte distinct du principal, des frais et des intérêts échus » (C. trav., art. R. 3252-15).

La question posée dans la présente affaire à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation était simple : à l’audience qui se tient devant le juge de l’exécution le créancier peut-il prétendre fonder la saisie sur un autre titre exécutoire que celui dont la copie avait été remise ou adressée au greffe ? Une réponse négative ne faisait guère de doutes alors qu’il avait déjà été jugé qu’un créancier ne peut, pour fonder la saisie, substituer à la copie du titre exécutoire remise ou adressée au greffe la copie d’un autre titre qui n’était pas joint à la requête (Civ. 2e, 24 mars 2005, n° 03-17.007 P, Dr. et pr. 2005. 301, note E. Putman ; 8 juin 2000, n° 98-19.389 P, Caisse de crédit municipal c/ Albaret, D. 2000. 199 ; Dr. et pr. 2001. 46, note P. Hoonakker).

C’est donc sans surprise que la solution est une nouvelle fois affirmée aux termes de l’arrêt commenté, qui a été rendu dans une affaire où l’originalité tenait à ce que le créancier prétendait fonder sa saisie non plus sur le jugement rendu par un tribunal de grande instance – dont la copie avait été jointe à la requête –, mais sur l’arrêt rendu par la juridiction du second degré qui avait aggravé le sort du débiteur.

Loin de se borner à reproduire une solution entendue, la Cour de cassation a tenté de la justifier. Et, sur ce point, la solution ne manque pas d’originalité.

I. Cette justification apportée à la solution révèle le souci de la Cour de cassation d’échapper à toute critique tirée d’un « formalisme excessif ». Cet écueil du « formalisme excessif » – qui « peut résulter d’une interprétation particulièrement rigoureuse d’une règle procédurale, qui empêche l’examen au fond de l’action d’un requérant et constitue un élément de nature à emporter violation du droit à une protection effective par les cours et tribunaux » (CEDH, gr. ch., 5 avr. 2008, Zubac c/ Croatie, n° 40160/12, pt 97, Dalloz actualité, 17 avr. 20181, obs. J. Jourdan-Marques ; 9 juin 2022, Xavier Lucas c/ France, n° 15567/20, pts 42 s.,