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Travail à temps partiel : durée minimale garantie vs durée hebdomadaire ou mensuelle prévue

Le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui doit notamment mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail. La seule mention d’une durée minimale de travail garantie ne répond pas à cette exigence, ce qui permet au salarié de se prévaloir de la présomption de travail à temps complet.

par Luc de Montvalonle 24 juillet 2019

Le contrat de travail à temps partiel est un contrat conclu pour une durée inférieure à la durée légale du travail ou à la durée fixée par convention collective ou applicable dans l’établissement (C. trav., art. L. 3123-1). Cette dérogation à la durée « normale » de travail doit être formalisée par écrit. En effet, aux termes de l’article L. 3123-14 du code du travail applicable en l’espèce (devenu l’art. L. 3123-6), ce contrat écrit doit notamment mentionner la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf exception prévue par le texte, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Selon une jurisprudence constante, la chambre sociale de la Cour de cassation applique, en l’absence d’écrit ou en l’absence de certaines mentions obligatoires, une présomption de contrat de travail à temps complet (Soc. 19 juin 1990, n° 86-44.330 ; 23 nov. 2016, n° 15-18.093 P, D. 2016. Actu. 2471  ; RJS 2/2017, n° 116 ; JCP S 2017. 1013, obs. de Raincourt et Rioche) et ce, à compter de la première irrégularité, constatée dans le contrat initial ou l’un de ses avenants (Soc. 20 juin 2013, n° 10-20.507, Dalloz actualité, 12 juill. 2013, obs. W. Fraisse ; Dr. soc. 2014. 11, chron. S. Tournaux ; v. aussi Soc. 23 nov. 2016, n° 15-18.092, D. 2016. 2409, obs. N. explicative de la Cour de cassation ; ibid. 2017. 235, chron. F. Ducloz, P. Flores, F. Salomon, E. Wurtz et N. Sabotier ). L’absence de mention de la durée du travail suffit donc à appliquer cette présomption, y compris lorsque le salarié est autonome : en effet, dans les cas mentionnés à l’article L. 3123-6 dans lesquels les salariés peuvent être soumis à une durée variable de travail, le fait que le salarié accepte, par un avenant à son contrat, un horaire variable n’a pas d’incidence sur l’obligation de mentionner la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle de travail dans le contrat (Soc. 16 nov. 1999, n° 98-42.612, D. 1999. 282 ). La présomption de travail à temps complet est une présomption simple qui peut être renversée par l’employeur s’il prouve que le salarié travaillait à temps partiel en justifiant de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition (Soc. 6 mai 2015, n° 14-12.295). En cas de requalification, celle-ci a pour effet de porter la durée de travail à la hauteur de celle mentionnée à l’article L. 3123-1 du code du travail (Soc. 3 juin 2015, n° 13-21.671, Dalloz actualité, 18 juin 2015, obs. B. Ines ).

En l’espèce, une salariée avait été engagée en qualité de coiffeuse à domicile par un contrat de travail à temps partiel qui mentionnait que les fonctions s’exerceraient à temps choisi tout en garantissant un minimum de quatre heures de travail mensuelles. Libre de déterminer ses disponibilités et les prestations à effectuer, elle travaillait en moyenne 56,56 heures par semaine. La cour d’appel l’a déboutée de sa demande en requalification du contrat en contrat de travail à temps complet, considérant que la durée minimale mensuelle de travail stipulée au contrat était conforme à l’exigence d’une mention écrite de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, et que la répartition des horaires ne pouvait être mentionnée puisque la salariée était libre de les déterminer. Enfin, l’employeur avait produit les bulletins de salaire de la salariée, ce qui suffisait à justifier qu’elle ne travaillait pas à temps complet.

Ces arguments n’ont pas convaincu la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a cassé la décision rendue par les juges du fonds. En effet, il ressortait des constatations de ces derniers « que le contrat ne mentionnait pas la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail et ne répondait pas aux exigences légales ». Par conséquent, la cour d’appel « ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans rechercher si l’employeur justifiait de la durée de travail exacte convenue ». La durée minimale garantie par le contrat ne pouvait en aucun cas se substituer à la durée du travail prévue entre les parties ; de même que la production des bulletins de salaires permettant de constater la durée du travail effectivement accomplie par la salariée ne permettait pas de renverser la présomption de travail à temps complet, en ce qu’elle ne permettait pas de prouver la durée du travail convenue entre les parties au moment de la conclusion du contrat.