Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Vers l’adoption définitive du projet de loi ELAN

Chacun faisant des concessions, députés et sénateurs sont parvenus à un texte commun sur le projet de loi ELAN, qui devrait être adopté définitivement le 16 octobre prochain. Parmi nombre de dispositions, nous rappelons certaines qui intéresseront essentiellement les publicistes.

par Marie-Christine de Monteclerle 5 octobre 2018

Jacques Mézard a quasiment gagné son pari. Il espérait arriver au 79e congrès HLM (qui aura lieu du 9 au 11 octobre) avec la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) adoptée sinon promulguée. Ce ne sera pas le cas puisque l’ultime lecture du texte au Sénat est programmée le 16 octobre. Toutefois, après un accord en commission mixte paritaire (CMP), dont les conclusions ont été adoptées par les députés le 3 octobre, le vote du Sénat devrait être une formalité.

Lors de la CMP, députés et sénateurs ont fait des concessions réciproques, les premiers acceptant, notamment, de nombreux amendements du Sénat tendant à renforcer le rôle et les pouvoirs du maire dans les dispositifs créés. C’est ainsi que la mise en place d’une grande opération d’urbanisme (GOU) nécessitera l’avis conforme des communes incluses dans le périmètre.

L’un des objectifs du texte est la création de nouveaux outils d’aménagement associant l’État et les collectivités territoriales. Le principal est le projet partenarial d’aménagement, qui peut être qualifié de GOU lorsque, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques, sa réalisation requiert un engagement conjoint spécifique de l’État et d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public. Ce dispositif permet des dérogations aux règles d’urbanisme.

Pour les centres-villes en difficulté, l’outil choisi est l’opération de revitalisation de territoire (ORT) qui donne lieu à une convention entre l’État, ses établissements publics intéressés, un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et tout ou partie des communes membres. Dans un secteur couvert par une ORT, les projets d’implantation commerciale, sauf éventuellement les plus grands, ne sont pas soumis à autorisation. Le préfet peut suspendre l’enregistrement et l’examen des demandes d’autorisation d’exploitation commerciale sur le territoire des communes signataires mais hors du secteur d’intervention ainsi que dans des communes proches.

La future loi comporte de nombreuses dispositions en matière d’urbanisme. Y figurent en particulier, s’agissant du contentieux, certaines des propositions du rapport Maugüé (v. Dalloz actualité, 16 janv. 2018, obs. M.-C. de Montecler isset(node/188621) ? node/188621 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188621). Ainsi, la recevabilité du recours d’une association contre une autorisation sera subordonnée au dépôt de ses statuts au moins un an avant l’affichage de la demande. L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme sera sans incidence sur les autorisations délivrées si elle repose sur un motif étranger aux règles applicables au projet. Le référé-suspension ne sera possible que jusqu’à l’expiration du délai de cristallisation des moyens.

Comblement des « dents creuses »

L’annulation partielle devient systématique. Le refus de faire droit à une demande d’annulation partielle doit être motivé. Il en va de même du sursis à statuer en vue d’une régularisation. La légalité du permis modificatif ou de la régularisation ne peut être contestée que dans le cadre de l’instance contre le permis d’origine. La loi revoit les conditions qui permettent de condamner le requérant à des dommages et intérêts. Les transactions conclues avec les associations ne peuvent pas avoir pour contrepartie le versement d’une somme d’argent. Il ne pourra pas y avoir de sanction pénale contre la personne qui exécute des travaux conformes à une autorisation délivrée.

Un certain nombre de dispositifs prévus par la loi ont fait l’objet de polémiques et de débats difficiles. Il en va ainsi de celui visant à permettre de combler les « dents creuses » en zone littorale. La CMP est parvenue à un accord qui, considèrent les parlementaires, préserve l’essentiel de la loi Littoral. Le texte prévoit que dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations, identifiés par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et délimités par le plan local d’urbanisme (PLU), des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale des cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau. Ces constructions ne devront pas avoir pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative ses caractéristiques. Elles auront pour seul objet l’amélioration de l’offre de logements ou d’hébergements et l’implantation de services publics. L’autorisation d’urbanisme doit être soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Le SCoT et le PLU peuvent faire l’objet d’une modification simplifiée pour la mise en œuvre de ces dispositions. Jusqu’au 31 décembre 2021, lorsque la modification n’a pas encore eu lieu, ces constructions peuvent être autorisées avec l’accord de l’autorité compétente de l’État après avis de la commission.

Peuvent également être autorisées, avec l’accord de l’autorité de l’État, les constructions et installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines. Le changement de destination est alors interdit.

Parmi les autres mesures en matière d’urbanisme, on notera l’encadrement des pièces exigibles lors du dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme ; la dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme pour les communes de plus de 3 500 habitants à compter du 1er janvier 2022 ou encore l’obligation pour le maire de motiver, au sein du certificat d’urbanisme, les raisons qui rendent possible un sursis à statuer. Le gouvernement est en outre autorisé à prendre par voie d’ordonnance des mesures visant à simplifier la hiérarchie des normes des documents d’urbanisme. L’ordonnance doit être publiée dans un délai de dix-huit mois mais ne s’appliquera qu’au 1er avril 2021. Elle devra notamment réduire le nombre de documents opposables aux SCoT, aux PLU et aux cartes communales. Le lien de prise en compte devrait être supprimé au profit de la seule compatibilité.

20 % de logements accessibles aux handicapés

Une autre polémique a entouré la diminution des pouvoirs des architectes des bâtiments de France (ABF). La CMP a trouvé une rédaction de compromis sur la question de la délimitation des abords d’un monument historique. Ce périmètre pourra être proposé par l’autorité compétente en matière de PLU. Il sera alors soumis à l’accord de l’ABF. Le préfet pourra néanmoins passer outre après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture. Par ailleurs, l’avis de l’ABF devient simple pour les antennes de téléphonie mobile, les immeubles insalubres et ceux menaçant ruine. Pour les autorisations d’urbanisme, le silence du préfet saisi d’un recours contre un refus de l’ABF vaudra accord.

La CMP a également coupé la poire en deux sur le pourcentage de logements accessibles aux handicapés dans les immeubles neufs. L’Assemblée voulait 10 %, le Sénat 30, ce sera 20 %, les autres étant « évolutifs ». 

Aménagements légers pour la loi SRU

La restructuration du secteur du logement social est un pan important du texte. Le seuil en dessous duquel les organismes de logement social devront appartenir à un groupe est finalement fixé à 12 000 logements. Toutefois, l’obligation ne s’applique pas au seul organisme d’un département ni à ceux qui ont pour principale activité l’accession sociale à la propriété.

La loi vise également à accroître la mobilité des locataires. Pour le secteur social, cela passe notamment, dans les secteurs caractérisés par un déséquilibre entre l’offre et la demande, par l’examen, tous les trois ans, par les bailleurs des conditions d’occupation des logements. En cas de sous-occupation, sur-occupation, dépassement du plafond de ressources, logement adapté quitté par une personne handicapée, personne devenue handicapée, les dossiers devront être transmis à la commission d’attribution. Celle-ci donnera un avis sur la base duquel le bailleur procédera avec le locataire à un examen de sa situation et des possibilités d’évolution de son parcours résidentiel. Mais le locataire ne pourra pas être contraint de quitter son logement.

Il peut aussi lui être proposé de l’acheter. Le développement des ventes de logements HLM est en effet un des objectifs de la loi et diverses mesures visent à les faciliter. Toutefois, un droit de véto est accordé au maire si la commune n’a pas atteint le taux de logements sociaux dits « loi SRU » ou, si la vente la fait passer en dessous. Dans le cas contraire, l’avis est simple.

Les parlementaires ont précautionneusement apporté aux obligations des communes en matière de logement social quelques aménagements à la marge. Ainsi, les logements sociaux vendus à leurs locataires sont décomptés pendant dix ans. Ceux faisant l’objet d’un contrat de location-accession sont assimilés aux logements sociaux pendant cinq ans. À titre expérimental, les obligations de la commune ayant atteint un taux de 20 % de logements sociaux peuvent être transférées à l’EPCI compétent en matière de PLU, couvert par un programme local de l’habitat et délégataire des aides à la pierre, dans le cadre d’un contrat intercommunal de mixité sociale. Il se substitue à l’ensemble des communes membres. Celles disposant de plus de 35 % de logements sociaux ne pourront se voir imposer d’objectifs de réalisation. La loi ne s’appliquerait aux communes de plus de 1 500 habitants que dans l’unité urbaine de Paris. Le seuil est porté à 3 500 habitants dans le reste de l’Île-de-France.

La fin de l’imbroglio des colonnes montantes

La loi ELAN devrait mettre fin à l’imbroglio et au contentieux sur la propriété des colonnes montantes électriques. Elle pose le principe que celles mises en service avant sa publication appartiennent au réseau public de distribution d’électricité. Toutefois, cette disposition n’entre en vigueur que deux ans après cette promulgation. Dans l’intervalle, les propriétaires ou copropriétaires peuvent notifier au gestionnaire du réseau leur acceptation du transfert, qui s’effectue alors immédiatement, à titre gratuit et sans que le gestionnaire puisse s’y opposer ou réclamer une contrepartie. Dans le même délai, les propriétaires peuvent revendiquer la propriété de leur colonne, sauf si le gestionnaire apporte la preuve que l’ouvrage appartient déjà au réseau public. Les colonnes montantes mises en service après la publication de la loi appartiennent d’emblée au réseau public.