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Loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 : volet pénal (Troisième partie : peine et justice pénale des mineurs)

La loi du 20 novembre 2023 réforme quelques articles du code de justice pénale des mineurs et des dispositions relatives à la peine. Elles tendent notamment à promouvoir le travail d’intérêt général et à clarifier les pouvoirs du juge en matière de conversion de peine.

Les dispositions relatives à l’enquête et l’instruction (v. T. Scherer, Le volet pénal de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 : première partie, Dalloz actualité, 29 nov. 2023) et celles relatives au jugement (v. T. Scherer, Le volet pénal de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 : deuxième partie, Dalloz actualité, 1er déc. 2023) occupent une place prépondérante. Elles ne doivent toutefois pas occulter les changements qui sont apportés en droit de la peine, ainsi que des modifications inscrites dans le code de la justice pénale des mineurs. Il s’agit des articles 6, II, à 9 et 24 du texte de loi.

Correctifs apportés en matière de justice pénale des mineurs  

Le code de la justice pénale des mineurs est un code récent, qui s’est substitué à l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Entré en vigueur il y a un peu plus de deux ans, il donne satisfaction aux différents acteurs de la chaîne pénale (v. Ministère de la Justice, Rapport d’évaluation sur la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, oct. 2023). Toutefois, même récent, un code ne saurait être parfait et perpétuellement à jour. Ainsi, dans un précédent commentaire, il a été expliqué que le législateur a tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2022‑1034 QPC du 10 février 2023 en introduisant la présence obligatoire de l’avocat lors du prélèvement forcé d’empreinte, sous réserve d’un délai de carence de deux heures (C. pr. pén., art. 55-1). Ce droit a été reconnu à l’identique pour le mineur dont les empreintes sont relevées de force (CJPM, art. L. 413‑17).

L’article L. 423-12 du code de la justice pénale des mineurs a été modifié pour introduire un peu plus de souplesse dans l’exercice des poursuites. Il est prévu qu’en cas de révocation du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) et de placement en détention provisoire du mineur, le procureur de la République pourra, à compter du 30 septembre 2024, avancer la date d’audience ou modifier la juridiction saisie en faisant remettre une nouvelle convocation. Manifestement, l’idée est de pouvoir passer du juge des enfants au tribunal pour enfants. Si le changement de la date d’audience ne soulève pas d’observation, il en va autrement pour la « modification » de juridiction saisie. Selon l’exposé des motifs de l’amendement qui a introduit cette disposition, cette possibilité offerte au procureur « découle du principe de l’opportunité des poursuites et résulte d’un choix d’audiencement » (Ass. nat., amendement n° CL794, 19 juin 2023). Cette affirmation est discutable, et l’on aurait envie d’opposer au principe de l’opportunité des poursuites le principe de l’irrévocabilité des poursuites, qui empêche le procureur de dessaisir une juridiction qu’il a saisie (sur ce principe, v. J. Buisson et S. Guinchard, Procédure pénale, 16e éd., LexisNexis, 2023, n° 1693). Mais il est vrai que rien n’interdit au législateur d’écarter ce principe, ce qu’il a déjà fait par le passé (par ex., Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, art. 33).

Le législateur a procédé à un ajout dans la liste des obligations qui peuvent être imposées à un mineur dans le cadre d’un contrôle judiciaire : il s’agit de l’obligation de suivre une scolarité ou une formation ou d’exercer une activité professionnelle (CJPM, futur art. L. 331-2, 15°).

Sur la césure du procès pénal, le législateur a entendu promouvoir les mesures de réparation lors de la période de mise à l’épreuve éducative, puisqu’à compter du 30 septembre 2024, la juridiction de jugement devra proposer aux parties, chaque fois que cela est possible, l’une des mesures de l’article L. 112-8 du code de la justice pénale des mineurs (CJPM, futur art. L. 521-9, al. 1). La loi du 20 novembre 2023 permettra aussi de faire quelques économies en frais de notification, en autorisant une signification simultanée du jugement reconnaissant la culpabilité et de la citation à l’audience de prononcé de sanction (CJPM, futur art. L. 521-9, al. 2), ainsi qu’une signification simultanée de la décision de modification de la date de l’audience de prononcé de la sanction ou de la juridiction de renvoi et de la citation à cette audience (CJPM, futur art. L.521-19, al. 2).

La loi d’orientation et de programmation étend aussi le domaine d’intervention des assureurs. Jusqu’alors, la justice pénale des mineurs n’avait pas de spécificité : en vertu du renvoi général de l’article L. 13-1 du code de la justice pénale des mineurs, il était fait application des articles 388-1 et suivants du code de procédure pénale. Selon ces textes, l’assureur est susceptible d’intervenir devant le tribunal correctionnel pour garantir le responsable ou la victime lorsque le dommage résulte d’une infraction d’homicide ou de blessures involontaires. L’exclusion des infractions intentionnelles s’explique en partie par le fait qu’un assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré (C. assur., art. L. 113-1, al. 2).

Toutefois, cette exclusion n’est pas adaptée lorsqu’une infraction est commise par un mineur dont les parents sont civilement responsables. En effet, selon l’article L. 121-2 du code des assurances, l’assureur est garant « des pertes et dommages causés par des personnes dont l’assuré est civilement responsable en vertu de l’article 1242 du code civil, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes ». Dans ce cas, la couverture vaut donc aussi pour les infractions volontaires qui sont commises par l’enfant mineur de l’assuré, y compris s’il s’agit d’actes criminels (Civ. 1re, 3 févr. 1993, n° 90-19.209, D. 1993. 49 ). Par conséquent, le législateur a instauré un régime d’intervention des assureurs devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants sans limitation tenant à la nature de l’infraction (CJPM, art. L. 512-1-1), qui a également vocation à s’appliquer devant la cour d’assises des...

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