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Article de dossier

Éloignement

C’est l’un des pouvoirs souverains de l’État. Jusque dans les années 1980, il n’y avait que deux cas : l’extradition (exécution d’une mesure judiciaire à la demande d’un pays étranger) et l’expulsion (en cas de trouble à l’ordre public). Depuis, une panoplie de mesures d’éloignement a vu le jour.

A - Mesures d’éloignement

1) Mesures concernant les ressortissants communautaires

Selon l’article 18-1 du Traité sur l’Union européenne, « tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent Traité et par les dispositions prises pour son application ». Avant la loi du 16 juin 2011, il existait déjà la possibilité d’éloigner un ressortissant communautaire portant atteinte à l’ordre public communautaire. En outre, pour un séjour de plus de trois mois, était déjà posée la condition de ressources suffisantes et la possession d’une assurance maladie (CESEDA, art. L. 121-1). Le délai de départ des ressortissants communautaires est de trente jours, sauf urgence. Le juge administratif a posé le principe que les dossiers doivent être examinés au cas par cas. La cour administrative d’appel de Lyon avait annulé toute une série de mesures d’éloignement concernant les Roms qui avaient été prises dans l’urgence pendant l’été 2010 sans examen individuel de la situation de chacun (V. AJDA 2011. 1153, obs. C. Meillier ).

La loi du 16 juin 2011 prévoit des nouveautés :

- Selon l’article L. 121-4-1 du CESEDA, les citoyens de l’Union européenne ainsi que les membres de leur famille ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l’entrée sur le territoire français « tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » ;

- L’autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant communautaire à quitter le territoire lorsqu’elle constate que son séjour est constitutif d’un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale (CESEDA, art. L. 511-3-1). Les Roumains et les Bulgares sont visés par ces dispositions.

2) Mesures concernant les ressortissants de pays tiers

a) Expulsion

Une telle mesure peut être prise :

- en cas de menace grave pour l’ordre public. La personne est en situation régulière (CESEDA, art. L. 521-1) ;

- en cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique (CESEDA, art. L. 521-2) ;

- en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes (CESEDA, art. L. 521-3).

Les expulsions ne sont pas une source de contentieux important.

b) Mesures prises dans le cadre de la Convention de Schengen

• Selon l’article L. 531-1 du CESEDA, l’étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 du CESEDA peut être remis aux autorités compétentes de l’État membre qui l’a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les États membres de l’Union européenne.

On parle de procédure de remise d’office. L’étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative. Cette décision peut être exécutée d’office par l’administration après que l’étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d’avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix.

• Selon l’article L. 531-3 du CESEDA, lorsqu’un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne a fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission en vertu d’une décision exécutoire prise par l’un des autres États parties à la Convention de Schengen et qu’il se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain, l’autorité administrative peut décider qu’il sera d’office reconduit à la frontière. Il en est de même lorsqu’un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, qui se trouve en France, a fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des autres États membres de l’Union européenne.

Dans ce cas, le préfet ne fait que viser le fichier système d’information Schengen (SIS) et prononce son éloignement. Les procédures suspensives ne s’appliquent pas. Ni le juge administratif ni l’administration française n’a à se prononcer sur la régularité juridique de la décision de l’inscrire au fichier SIS, cette décision ayant été prise par un autre État. Le seul recours possible est un recours pour excès de pouvoir, sans effet suspensif.

c) Interdiction judiciaire du territoire

Aux termes de l’article 131-30 du code pénal, lorsqu’elle est prévue par la loi, la peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit. L’interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion.

En cas d’interdiction judiciaire du territoire, le préfet fixe seulement le pays de destination. La fixation du pays de destination est considérée comme un acte administratif déconnecté de la décision judiciaire.

d) Fixation du pays de destination

En fixant le pays de destination, le préfet doit respecter l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; ainsi il doit recueillir les observations écrites de l’étranger. De plus, la fixation du pays de destination ne doit pas être illégale. L’article L. 513-2 du CESEDA prévoit des possibilités d’éloignement vers :

- un pays dont l’étranger a la nationalité, sauf si l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s’il n’a pas encore été statué sur...

par C. Fleuriotle 1 février 2012

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