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Questions à… Jean-Ludovic Silicani, conseiller d’État

Le Livre blanc de la fonction publique prône un « fort changement dans la continuité » d’une fonction publique de carrière, affirme son auteur, Jean-Ludovic Silicani. Pour lui, il faut « faire cohabiter la fonction publique de carrière avec une gestion moderne des ressources humaines ».

Le Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique est le fruit de six mois de consultation et de débats. Ce processus a t-il fait évoluer votre propre réflexion ?

Ce qui m’a frappé, encore plus que je ne le pensais, c’est le très fort attachement, non seulement des fonctionnaires, mais aussi de nos concitoyens dans leur ensemble, au modèle de fonction publique de carrière.

Je n’avais pas moi-même d’interrogation fondamentale sur ce modèle, mais compte tenu des débats et des expériences étrangères, à un moment, on se demande forcément s’il faut rester dans cette voie. Or, c’est quelque chose qui est ressorti très nettement des discussions, des forums et des tables rondes et sur lequel les syndicats ont beaucoup insisté.

L’autre élément, qui à mon sens n’est pas du tout contradictoire mais complémentaire, est l’attente de nos concitoyens et de beaucoup de fonctionnaires, en particulier des plus jeunes, d’une rénovation profonde de notre système. Il y a donc un attachement à la fonction publique de carrière et en même temps le souhait qu’elle soit organisée et gérée de façon beaucoup plus moderne.

Le Livre blanc marque-t-il, selon vous, une rupture dans la conception française de la fonction publique ou s’inscrit-il dans une continuité ?

Si j’osais reprendre la formule d’un ancien président de la République, je dirais que c’est un fort changement dans la continuité. C’est la continuité puisque je propose de conserver, à titre principal, un régime de fonction publique de carrière. C’est même un retour aux sources puisque j’estime que le système actuel a perdu de vue les fondements et les repères de la fonction publique de carrière. Je propose de les retrouver. Mais c’est un changement – que certains peuvent considérer comme « une profonde rupture intellectuelle », comme le disait le professeur Melleray dans vos colonnes. Il s’agit d’introduire des transformations très profondes, qui doivent permettre de retrouver l’équilibre entre le grade et l’emploi et d’insérer dans une fonction publique qui reste statutaire des facteurs de souplesse et de mobilité qui n’existent pas aujourd’hui.

On peut toujours parler de verre à moitié vide ou à moitié plein… L’avenir dira ce qu’il en est. Mais j’ai essayé de faire cohabiter les principes de la fonction publique de carrière avec une gestion moderne des ressources humaines.

Pourquoi cette rénovation de la fonction publique est-elle nécessaire à votre sens ?

Certains disent que, bien sûr il faut toiletter le statut, mais que l’essentiel, ce sont les pratiques de gestion. C’est un discours que, avec beaucoup d’autres, j’ai tenu jusqu’à il y a dix ou quinze ans. Marcel Pochard, moi-même et beaucoup d’autres praticiens de l’administration, avons pendant longtemps dit : c’est l’employeur public qui n’assume pas ses responsabilités ; il suffit qu’il y ait un consensus des politiques et des administrateurs pour utiliser les supposées marges de manœuvre du statut et...

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