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Violation du secret de l’instruction et atteinte au secret des sources

Sans mieux s’expliquer sur l’absence d’un impératif prépondérant d’intérêt public alors que la violation du secret de l’instruction reprochée imposait de rechercher les auteurs de cette infraction, sans caractériser plus précisément le défaut de nécessité et de proportionnalité des mesures portant atteinte au secret des sources et, enfin, en faisant référence à l’obligation d’obtenir l’accord des journalistes pour procéder aux réquisitions, une chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision.

par Sabrina Lavricle 12 juin 2013

Le 22 janvier 2007, les services de police, agissant sur commission rogatoire d’un juge d’instruction saisi de faits de vol contre personne non dénommée, ont procédé à des perquisitions au domicile d’une avocate, laquelle fut ensuite placée en garde à vue puis déférée devant le juge et mise en examen. Le lendemain, le journal Sud-Ouest publiait un article intitulé « Trois notables en garde à vue » dans lequel l’avocate était désignée. Dans les deux éditions suivantes, il apportait des précisions sur le déroulement de sa garde à vue. L’avocate porta plainte auprès du procureur de la République du chef de violation du secret de l’instruction. Le 20 février 2007, une information fut ouverte, l’avocate se constituant partie civile. Dans ce cadre, le juge d’instruction fit procéder à divers actes destinés à identifier les auteurs d’une éventuelle violation du secret de l’instruction. Par commission rogatoire du 23 janvier 2008, il ordonna, notamment, que soient produites les factures détaillées des numéros de téléphone communiqués par plusieurs journalistes concernés pour la période allant du 20 janvier au 5 février 2007, et demanda à ce que soient identifiés les titulaires des numéros entrants et sortants. Il donna mission de déterminer si les journalistes avaient été en contact avec les policiers mis en cause par la partie civile.

Des réquisitions furent adressées aux opérateurs téléphoniques à cette fin et un cédérom crypté, comprenant les factures détaillées des abonnements des quatre journalistes rédacteurs des articles en cause, fut versé au dossier. Le 24 avril 2009, une ordonnance de non-lieu fut rendue, dont l’avocate interjeta appel. Le 22 octobre 2009, la chambre de l’instruction ordonna un supplément d’information tendant notamment à la communication de relevés de fadettes des journalistes concernés et à la transcription des cédéroms versés au dossier.

Le 11 août 2011, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux prononça l’annulation des actes effectués en exécution du supplément d’information et confirma l’ordonnance de non-lieu. Pour annuler les réquisitions visant à déterminer les lignes téléphoniques attribuées à des journalistes ainsi que les factures correspondant à ces lignes, et les actes en étant le support nécessaire, la cour retint que ces réquisitions avaient été prises sans l’accord des journalistes, en violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et 2 de la loi du 29 juillet 1881, et qu’en l’absence d’impératif prépondérant d’intérêt public, elles portaient une atteinte disproportionnée au secret des sources.

Saisie par la partie civile, la chambre criminelle, par un arrêt du 14 mai 2013, prononce une cassation, au visa de l’article 593 du code de procédure pénale, pour insuffisance de motifs, et renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Toulouse. La Cour reproche à la chambre de l’instruction, d’une part, de ne pas s’être mieux expliquée sur l’absence d’un impératif prépondérant d’intérêt public, « alors que la violation du secret de l’instruction reprochée imposait de rechercher les auteurs de cette infraction ayant porté atteinte à la présomption d’innocence », d’autre part, de ne pas avoir caractérisé...

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