« Laissez la porte ouverte, s’il vous plaît, ce sont des audiences publiques », lance le juge des libertés et de la détention (JLD), Stéphane Vautier à la première défenseuse. Mme G., une patiente de l’hôpital psychiatrique Saint-Jacques, à Nantes, pénètre dans la salle, accompagnée de l’avocat commis d’office, Baudoin Pillet. Une fois par semaine, cette pièce informelle située au sein de l’établissement médical se transforme en salle d’audience. Une audience particulière. « Je vous explique le cadre et je vous présente les personnes autour de moi », commence le juge, dans un décorum sommaire composé de chaises et de tables installées quelques instants plus tôt. « À ma gauche, voici Mme la greffière et à ma droite vous avez la représentante de l’hôpital Saint-Jacques et celle de l’hôpital Daumezon (à Bouguenais, dans l’agglomération nantaise, ndlr) », énumère-t-il, avant d’expliquer : « Vous avez été hospitalisée sans votre consentement donc cette mesure est soumise au contrôle d’un juge ». S’ensuit un rapide exposé de la situation. Mme G. a été admise en soins quatre jours plus tôt dans le cadre d’une procédure dit de « péril imminent ». La loi exige qu’un certificat médical soit présenté, émis par un médecin extérieur à l’établissement d’accueil, indiquant « l’immédiateté du danger pour la santé ou la vie du patient ».
« Vous représentiez un danger pour vous-même, dans un contexte d’idées suicidaires envahissantes depuis plusieurs jours avec un risque de passage à l’acte selon le certificat médical préalable », poursuit le juge. Il lève la tête vers l’intéressée, silencieuse et atone depuis le début de l’audience. « Qu’est-ce que vous en dites ? Vous êtes d’accord pour rester hospitalisée ? ». La réponse est peu audible, l’élocution cotonneuse. « J’étais sortie avant Noël. C’était trop tôt », entend-on. Son avocat intervient à son tour – il s’est nécessairement entretenu avec sa cliente par téléphone ou en direct au préalable – : « je vous confirme qu’elle préfère rester là ». « J’ai une question, interrompt Mme G., s’adressant au juge. Si ça se prolonge trop longtemps, qu’est-ce que je peux faire ? » « À tout moment vous avez le droit de demander la mainlevée, répond-il. Vous avez le droit de faire des sorties, d’en parler à votre avocat et de contacter le juge. Je serai obligé de statuer ». La représentante de l’hôpital, Cécile Turba, chargée de la gestion administrative des soins psychiatriques sans consentement, demande le maintien de l’hospitalisation. Elle pointe un état psychique de « grande ambivalence » entre lucidité et vulnérabilité. « Mme G. n’est pas prête à sortir, il faut lui préserver un cadre contenant », conclut-elle. « Je vais rendre une ordonnance qui vous sera notifiée demain », conclut le juge. « Je ne vais pas sortir ? », s’émeut la défenseuse. « A priori, non », lui adresse-t-il, avant un dernier échange moins cérémonieux sur les examens qui l’attendent à la sortie de l’audience. Mme G. remet son bonnet, salue le petit tribunal et repart, toujours accompagnée de son avocat. L’affaire a duré une dizaine de minutes. Le juge a rempli sa mission : vérifier avant le délai légal de douze jours que la mesure d’hospitalisation sans consentement de la patiente hospitalisée a respecté les règles du code de la santé publique et décider du maintien ou non de celle-ci en hospitalisation complète comme le lui demandent les psychiatres. Il confirmera le maintien le lendemain. Comme pour 95 % des patients entendus ce matin-là.