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Affaire Banier-Bettencourt : confirmation sur l’action publique et infirmation sur les intérêts civils

La cour d’appel de Bordeaux a confirmé, à une exception près et en procédant à plusieurs requalifications, la culpabilité des prévenus condamnés en première instance et infirme le jugement sur les condamnations civiles, compte tenu de protocoles transactionnels intervenus entre différentes parties à la procédure.

par Sébastien Fucinile 7 septembre 2016

La cour d’appel de Bordeaux a rendu, le 24 août 2016, un arrêt dans le cadre du volet de l’affaire Bettencourt concernant certains des abus de faiblesse dont l’héritière du groupe L’Oréal a été victime. La cour d’appel n’était pas saisie de l’ensemble du jugement, mais d’une partie seulement, l’appel ne concernant pas les personnes relaxées et certaines des personnes condamnées. La condamnation du photographe et de son compagnon a été confirmée, ainsi que celle de l’avocat ayant obtenu différents mandats pour accomplir des investissements gravement préjudiciables à la vieille dame. Un autre prévenu, poursuivi pour complicité d’abus de faiblesse, a été relaxé du fait de la relaxe de l’auteur principal dans le cadre d’une procédure distincte. En revanche, compte tenu des protocoles transactionnels conclus, d’une part, entre Liliane Bettencourt et sa fille et, d’autre part, entre cette dernière et M. Banier, la cour d’appel a considéré qu’il y avait eu transaction sur les dommages et intérêts entre, d’une part, M. Banier et son compagnon et, d’autre part, Françoise Bettencourt-Meyers, ses deux fils et sa mère.

Concernant l’action publique, la cour d’appel, confirmant en cela le jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux, a considéré que le photographe était auteur d’abus de faiblesse et de blanchiment d’abus de faiblesse. L’article 223-15-2 prévoit entre autres qu’il s’agit de « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse […] d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ». Cette infraction suppose à titre de condition préalable le constat de l’état d’ignorance ou de faiblesse. Le constat objectif d’un des critères mentionnés à l’article 223-15-2 ne suffit pas ; il faut démontrer que l’âge ou la maladie entraîne une situation de faiblesse ou de particulière vulnérabilité (Crim. 16 nov. 2004, n° 03-87.968, Dalloz jurisprudence). En effet, pour la chambre criminelle, le grand âge ne peut être à lui seul la condition préalable exigée par le texte et il doit en résulter concrètement une vulnérabilité ou une faiblesse (Crim. 30 avr. 1996, n° 96-80.068, Bull. crim. n° 175 ; RSC 1997. 110, obs. R. Ottenhof ). La cour d’appel prend soin de déterminer en quoi la victime se trouvait dans une telle situation. Pour les juges, la situation de faiblesse résulte de son grand âge, de sa démence, mais aussi de « sa santé physique délabrée » ou encore « de son fond anxieux et dépressif », entraînant une profonde surdité, des troubles de la mémoire et des « difficultés à apprécier la valeur des sommes d’argent qu’elle donne ou qu’elle prête ». Ces différents critères permettent d’établir la particulière vulnérabilité de la victime.

L’élément matériel du délit suppose, d’une part, un acte d’abus et, d’autre part, un acte ou une abstention gravement préjudiciable à la victime. Pour l’établir, la cour d’appel a recherché...

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