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Coemployeurs de droit privé et de droit public : ordre de juridiction compétent

L’action engagée par la salariée d’un organisme de droit privé à l’encontre d’une personne publique fondée sur l’immixtion de cette dernière dans la gestion de la personne privée et sur la reconnaissance par voie de conséquence de la qualité de coemployeur relève de la compétence du juge administratif.

par Bertrand Inesle 10 mai 2016

Le coemploi, aujourd’hui plus encore que jamais, nourrit la jurisprudence (V. dernièrement à propos de la caractérisation du coemploi dans les groupes de sociétés, Soc. 2 juill. 2014, n° 13-15.208, Bull. civ. V, n° 159 ; Dalloz actualité, 18 sept. 2014, obs. B. Ines ; ibid. 2147, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; ibid. 2015. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; Rev. sociétés 2014. 709, note A. Couret et M.-P. Schramm ; RDT 2014. 625, obs. M. Kocher ; Rev. crit. DIP 2015. 594, note F. Jault-Seseke ; 10 déc. 2015, n° 14-19.316, Dalloz actualité, 8 janv. 2016, obs. J. Cortot ; ibid. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ) et suscite les nombreuses réactions de la doctrine (V. récemment, G. Auzero, Co-emploi : en finir avec les approximations !, RDT 2016. 27 ; Y. Pagnerre, De la fictivité comme critère du coemploi : « certes mais pas que… », RDT 2016. 175 ). Et cela ne risque pas de s’arrêter de sitôt.

La Cour de cassation a, en effet, été pour la première fois interrogée sur la détermination de la juridiction compétente pour connaître de la demande d’un salarié tendant à la caractérisation d’une situation de coemploi dont une personne de droit privé et une personne de droit public seraient les coemployeurs.

Au visa des articles L. 1233-1 et L. 1411-2 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, la chambre sociale affirme que les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents de droit public, quel que soit leur emploi, et en déduit que l’action engagée par la salariée d’un organisme de droit privé à l’encontre d’une telle personne publique fondée sur l’immixtion de cette dernière dans la gestion de la personne privée et sur la reconnaissance par voie de conséquence de la qualité de coemployeur relève de la compétence des juridictions administratives.

Principe de séparation des pouvoirs oblige, s’établit entre le travailleur et chaque personne, de droit public ou de droit privé, une relation soumise à des corps de règles différents, relevant eux-mêmes de la compétence d’ordre de juridiction distinct. Le travailleur devra donc, d’abord, agir contre la personne avec laquelle elle est directement en lien devant un premier juge, afin de présenter ses demandes, et, ensuite, agir contre la personne qu’il suppose s’être immiscée dans la relation initiale et avoir ainsi revêtu la qualité de coemployeur devant un second juge. Finalement, seul ce dernier aura concrètement à connaître de la caractérisation de la situation de coemploi. Les deux juges auront, en revanche, à se prononcer sur la satisfaction des demandes du travailleur relatives aux manquements commis par les personnes privée et publique dans les obligations qui leur incombent en qualité d’employeur.

La solution est nouvelle mais son fondement, lui, ne l’est pas. Il y a longtemps maintenant que le Tribunal des conflits a dégagé la règle selon laquelle « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi » et doivent saisir la juridiction administrative en cas de litige les opposant à cet organisme public (V. T. confl. 25 mars 1996, n° 3000, Berkani c. CROUS de Lyon-Saint-Étienne, Lebon ; AJDA 1996. 399 ; ibid. 355, chron. J.-H. Stahl et D. Chauvaux ; D. 1996. 598 , note Y. Saint-Jours ; AJFP 1996. 4 ; ibid. 5, note P. Boutelet ; Dr. soc. 1996. 735,...

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