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Convention de forfait en jours : l’indispensable suivi effectif de la charge de travail

Les conventions de forfait en jours doivent être prévues par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables de travail notamment par un suivi effectif et régulier de l’employeur.

par Wolfgang Fraissele 18 octobre 2017

Le forfait-jours continue d’alimenter le contentieux. Depuis l’arrêt du 29 juin 2011 (Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107, Dalloz actualité, 19 juill. 2011, obs. L. Perrin ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 474, Controverse B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ), nous savons que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations garantissent le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires au sens des dispositions européennes et constitutionnelles (Charte sociale européenne, art. 2, § 1 ; Préambule de la Constitution, 27 oct. 1946, al. 11 ; TFUE, art. 151 ; Dir. 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, 4 nov. 2003, art. 17, § 1, et 19 ; Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 31).

En application de ces dispositions la Cour de cassation a censuré un nombre important de dispositions conventionnelles ne garantissant pas suffisamment le respect effectif de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Convention collective de l’industrie chimique, Soc. 31 janv. 2012, n° 10-19.807, Dalloz actualité, 15 févr. 2012, obs. J. Siro ; ibid. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1765, chron. P. Bailly, E. Wurtz, F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier et A. Contamine ; Dr. soc. 2012. 536, obs. P.-H. Antonmattei ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ; Convention de commerce de gros, Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540, Bull. civ. V, n° 250 ; Dalloz actualité, 24 oct. 2012, obs. J. Siro ; ibid. 2013. 114, chron. F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier, P. Bailly et E. Wurtz ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2013. 273, obs. S. Amalric ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ; Convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 déc. 1987, Soc. 24 avr. 2013, n° 11-28.398, Dalloz actualité, 23 mai 2013, obs. J. Siro ; ibid. 1768, chron. P. Flores, S. Mariette, F. Ducloz, E. Wurtz, C. Sommé et A. Contamine ; ibid. 2014. 1115, obs. P. Lokiec et J. Porta ; v. aussi Soc. 25 janv. 2017, n° 15-12.459, Dalloz jurisprudence ; Convention collective des cabinets d’experts-comptables, Soc. 14 mai 2014, n° 12-35.033, Dalloz actualité, 27 mai 2014, obs. W. Fraisse ; Dr. soc. 2014. 687, obs. P.-H. Antonmattei ; Convention collective concernant les IAC employés dans les entreprises de travaux publics du 31 août 1955, Soc. 11 juin 2014, n° 11-20.985, Dalloz actualité, 7 juill. 2014, obs. W. Fraisse ; Convention collective du notariat du 8 juin 2011, Soc. 13 nov. 2014, n° 13-14.206, Dalloz actualité, 1er déc. 2014, obs. W. Fraisse ; ibid. 2015. 104, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, S. Mariette, N. Sabotier et P. Flores ; RDT 2015. 195, obs. G. Pignarre ; Convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juill. 2001, Soc. 4 févr. 2015, n° 13-20.891, Bull. civ. V, n° 23 ; D. 2015. 438 ; RJS 2015. 247, n° 258 ; JS Lamy 2015, n° 384-2, obs. Pacotte et Daguerre ; JCP 2015, n° 227, obs. Lefranc-Harmoniaux ; Convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avr. 1997, Soc. 7 juill. 2015, n° 13-26.444, Bull. civ. V, n° 140 ; RJS 10/2015, n° 645 ; JCP S 2015. 1365, obs. Morand ; V. aussi Soc. 25 janv. 2017, n° 15-14.807, Dalloz jurisprudence).

Plus récemment encore, la Cour de cassation a censuré la convention de forfait en jours qui limite le contrôle de la charge de travail à un entretien annuel avec les salariés concernés sur la base d’un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées et la qualification des journées non-travaillées établi par le salarié lui-même (Soc. 9 nov. 2016, n° 15-15.064, Dalloz actualité, 14 déc. 2016, obs. J. Siro ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RJS 1/2017, n° 26 ; JS Lamy 2016, n° 421-422-5, obs. Lalanne ; JCP S 2016. 1432, obs. Morand). Par cette décision, la Cour de cassation a censuré la légèreté du contrôle. Ce dispositif auto-déclaratif aurait dû faire l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie notamment par une validation mensuelle ou encore par la possibilité pour l’employeur ou le salarié d’organiser un entretien s’ils estiment qu’il existe des difficultés particulières liées à la charge de travail ou à son organisation.

Dans le même sens, par un arrêt du 14 décembre 2016 (Soc. 14 déc. 2016, n° 15-22.003, D. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ), la Cour de cassation considère que la convention de forfait en jours est nulle au motif que les dispositions de l’article 9 de l’avenant n° 20 du 29 novembre 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail (ARTT), dans sa rédaction issue de l’avenant n° 20 bis du 6 novembre 2001, à la convention collective nationale de l’immobilier du 9 septembre 1988, qui, dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s’agissant de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné que l’employeur et l’intéressé définissent en début d’année, ou deux fois par an si nécessaire, le calendrier prévisionnel de l’aménagement du temps de travail et de la prise des jours de repos sur l’année et établissent une fois par an un bilan de la charge de travail de l’année écoulée, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Cette exigence du respect d’une amplitude et d’une charge de travail raisonnables est une nouvelle fois rappelée dans l’arrêt ici rapporté. La Cour de cassation considère que les dispositions de l’accord d’entreprise en cause ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et n’assurent pas une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. Cet accord prévoit que chaque salarié doit saisir son temps de travail hebdomadaire dans le système de gestion des temps de l’entreprise, qu’un état récapitulatif du temps travaillé par salarié est établi chaque mois et remis à la hiérarchie, qu’une présentation est faite chaque année au comité de suivi de cet accord, que le repos entre deux journées de travail est au minimum de onze heures consécutives et que le salarié bénéficie au minimum d’une journée de repos par semaine.

En résumé, il importe que soit organisé un dispositif de contrôle par l’employeur qui soit assorti d’un dispositif d’alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec une possibilité de demande d’entretien auprès notamment du service des ressources humaines (Soc. 8 sept. 2016, n° 14-26.256, D. 2016. 1823 ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ).

Il convient de noter que ces exigences prétoriennes se trouvent consolidées par la loi n° 2016-1088, dite « loi Travail », du 8 août 2016. En effet, l’article L. 3121-60 du code du travail précise que : « l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ». Ainsi, l’accord collectif doit comporter « les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié » ainsi que « les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié » (C. trav., art. L. 3121-64, II).