Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Crèches : à Nantes, c’est oui, à Lyon, c’est non

Conséquence logique de la position du Conseil d’État selon laquelle une crèche peut revêtir une pluralité de significations, la cour administrative d’appel de Nantes et le tribunal administratif de Lyon viennent de retenir des solutions différentes sur les crèches installées dans les locaux du conseil départemental de la Vendée pour la première, du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, pour le second.

par Marie-Christine de Monteclerle 13 octobre 2017

La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté, le 6 octobre, le recours de la Fédération de la libre pensée de Vendée contre le refus du président du conseil général de ce département de faire droit à sa demande tendant à ce qu’aucune crèche de la nativité ne soit installée dans les locaux de la collectivité. La veille, le tribunal administratif de Lyon avait, pour sa part, annulé la décision du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes d’installer une crèche à l’hôtel de région du 14 décembre 2016 au 6 janvier 2017.

Loin de marquer des divergences de jurisprudence, ces solutions différentes sont la conséquence logique de l’approche casuistique de la jurisprudence du Conseil d’État (CE, ass., 9 nov. 2016, n° 395122, Cne de Melun, Lebon avec les concl.  et n° 395223, Fédération de la libre pensée de Vendée, Lebon avec les concl. ; AJDA 2016. 2135 ; ibid. 2375, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 2456, entretien D. Maus ; ibid. 2017. 345, édito. N. Dissaux ; AJCT 2017. 90 , obs. F. De la Morena et M. Yazi-Roman ; RFDA 2017. 127, note J. Morange ).

La cour de Nantes était saisie d’un des deux dossiers soumis à l’assemblée et que celle-ci avait choisi de lui renvoyer après cassation (alors qu’elle avait réglé au fond l’affaire de Melun). Se tenant scrupuleusement aux critères posés par l’assemblée, elle relève « que la crèche en litige est, depuis l’achèvement de cet immeuble, et plus précisément depuis décembre 1990, installée chaque année, durant la période de Noël, dans le hall de l’hôtel du département de la Vendée, soit depuis plus de vingt ans à la date de la décision contestée ; qu’elle est mise en place au début du mois de décembre et est retirée aux environs du 10 janvier, dates qui sont exemptes de toute tradition ou référence religieuses, et que son installation est dépourvue de tout formalisme susceptible de manifester un quelconque prosélytisme religieux ; que cette crèche de 3 mètres sur 2 mètres est située dans un hall d’une superficie de 1 000 m² ouvert à tous les publics et accueillant, notamment, les manifestations et célébrations laïques liées à la fête de Noël, en particulier l’Arbre de Noël des enfants des personnels départementaux et celui des enfants de la DDASS ; que, dans ces conditions particulières, son installation temporaire, qui résulte d’un usage culturel local et d’une tradition festive, n’est pas contraire aux exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques et ne méconnaît pas les dispositions de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 ».

Refus de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité

Au conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, en revanche, il « ne ressort pas des pièces du dossier que l’installation de cette crèche dans l’enceinte de ce bâtiment public, siège d’une collectivité publique, résulte d’un usage local. En effet, aucune crèche de Noël n’a jamais été installée dans les locaux du siège lyonnais de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cette installation était accompagnée d’un autre élément marquant son inscription dans un environnement culturel, artistique ou festif, alors même que la crèche a été réalisée par des artisans de la région et que l’installation permet l’exposition de leur savoir-faire ». L’installation de la crèche lyonnaise a donc « méconnu l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques ».

Il est à noter que le tribunal administratif de Lyon avait été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 tel qu’interprété par l’assemblée du contentieux. Il refuse la transmission de cette QPC qui, selon lui, ne présente pas un caractère sérieux dès lors que l’interprétation du Conseil d’État s’appuie expressément sur la Constitution et en particulier sur les trois premières phrases du premier alinéa de son article 1er.