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Deux avocats demandent l’annulation des élections ordinales du barreau de Paris

L’audience s’est tenue jeudi 22 mars, devant la première chambre de la cour d’appel de Paris. Évincés des élections car l’un des membres du binôme était trop jeune avocat, les deux requérants estiment cette décision contraire au règlement intérieur de la profession et, par ailleurs, dénient au conseil de l’Ordre la compétence pour statuer sur la recevabilité d’une candidature aux élections ordinales.

par Julien Mucchiellile 23 mars 2018

Me Arthur Bouchat, qui a prêté serment le 9 novembre 2016, était trop jeune avocat, selon le conseil de l’Ordre du barreau de Paris, pour se présenter aux élections ordinales de 2017 avec sa binôme Élise Fabing (qui est avocate depuis 2010). Le 27 septembre 2017, alors que leur candidature a déjà été acceptée par le membre du conseil de l’Ordre en charge des élections, une délibération ordinale leur signifiait que leur candidature était irrecevable. Raison invoquée : Me Bouchat n’avait pas quatre ans de barreau au 1er janvier de l’année de l’élection. La décision se fonde sur l’article 9 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, qui impose cette condition d’ancienneté dans les barreaux de plus de 16 membres. Les deux avocats ont fait un recours gracieux, rejeté le 9 octobre (v. Dalloz actualité, 13 oct. 2017, art. A . Portmann isset(node/187088) ? node/187088 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>187088), ce qui les a amené devant la cour d’appel de Paris qui, ce jeudi 22 mars 2018, examine leur requête.

Les requérants, qui demandent l’annulation de l’élection des membres du conseil de l’Ordre (CO), estiment qu’en prenant cette décision, le CO a méconnu son propre règlement intérieur. Ils mettent en avant une délibération, publiée au bulletin du 23 juillet 2014, qui modifie l’article 2 de l’annexe 1 du règlement intérieur du barreau de Paris, « Organisation des élections », en supprimant la condition d’ancienneté des conditions d’éligibilité requises pour entrer au CO. Cette délibération a été adoptée à 19 voix pour, 8 contre, 10 abstentions. Il réfute l’argument (avancé en défense) de la supériorité, dans la hiérarchie des normes, du décret de 1991. « Le conseil de l’Ordre dispose d’un pouvoir réglementaire pour s’organiser, et avec ce pouvoir, il est allé dans le bon sens, en choisissant d’élargir les conditions », dit l’avocat des requérants, ajoutant que Mes Bouchat et Fabing s’étaient fondés, de bonne foi, sur les dispositions édictées dans ce règlement (et donc, cette délibération).

L’avocat soulève en outre l’incompétence du CO pour prendre une telle décision : « C’est exactement comme si j’étais candidat à la mairie et que c’est le conseil municipal qui décidait de ma candidature », avance-t-il. « Mais alors, qui aurait été compétent ? », interroge le président. « C’est une question qui se pose, et je peux y répondre : il ne fallait rien faire, les laisser se présenter, et, le cas échéant, laisser qui le voudrait faire un recours par la seule voie autorisée », c’est-à-dire celle qui est à l’œuvre ce jour. « Peut-être que les textes sont mal faits, lacunaires, mais il ne nous appartient pas de les réécrire ». Pour lui : « Rien ne permet à un CO de s’auto-instituer un pouvoir de police du processus électoral ».

L’avocat du conseil de l’Ordre pense exactement le contraire : « Un ordre est une personne morale qui exerce une délégation de service public. L’Ordre a un pouvoir réglementaire propre, dans le domaine qui est le sien, il a la plénitude des compétences, et donc le pouvoir d’organiser les élections ». La liberté de candidature est selon lui assurée, dès lors que tout électeur peut se présenter, dès lors qu’il répond aux conditions d’éligibilité, principe qui résulte par ailleurs de l’article 44 du code électoral (cité pour le principe, car ne s’applique pas en l’espèce), comme le souligne l’avocat. Il insiste sur le fait que la décision prise sur l’irrecevabilité de la candidature procède d’une constatation matérielle et qu’étant maître du tableau, le CO a toutes les compétences pour faire une telle constatation.

L’avocat ne s’attarde pas en revanche sur la délibération de 2014, qui, en vertu du pouvoir réglementaire qu’il reconnaît au CO, pourrait trouver à s’appliquer dans un cas tel que celui-ci – à moins qu’il ne l’écarte, car contraire aux dispositions de la norme supérieure, le décret de 1991.

L’avocat général a balbutié quelques mots d’admiration à l’adresse de l’avocat du conseil de l’Ordre pour sa savante plaidoirie, et a rejoint sa position en tout point – concluant au rejet de la requête. La décision est mise en délibéré au 24 mai 2018.