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Article
Le droit à l’oubli ne s’applique pas à des informations sérieuses présentant un intérêt public
Le droit à l’oubli ne s’applique pas à des informations sérieuses présentant un intérêt public
La CEDH établit une conciliation entre le droit au respect de la vie privée du requérant et la liberté d’expression d’un journal et considère que le droit à l’oubli ne s’applique pas aux informations publiées qui présentent un intérêt public reposant sur une base factuelle suffisante et qui sont exemptes de propos polémiques ou insinuations.
par Tennessee Soudainle 9 novembre 2017
Le requérant est un entrepreneur allemand, dirigeant d’Innova Film, une société internationale de médias. Un article le concernant a été publié à la fois dans l’édition imprimée du New York Times du 12 juin 2001 et en ligne où il reste accessible. Cet article traite d’une enquête criminelle menée aux États-Unis sur des soupçons de corruption entre un ancien candidat à la mairie de New York et des entreprises de média, dont celle du requérant. Dans ce contexte, l’article faisait état d’un rapport du FBI et de sources policières allemandes décrivant le requérant comme un escroc, interdit de séjour aux États-Unis et dont la société appartenait à un réseau lié au crime organisé russe. Les juridictions allemandes, saisies par le requérant contre cette publication, se sont d’abord déclarées incompétentes, mais la Cour fédérale de justice a reconnu la compétence des tribunaux allemands étant donné que l’édition en ligne était accessible en Allemagne. Finalement, les juridictions allemandes ont ordonné le retrait des allégations au sujet de l’interdiction d’entrée du requérant aux États-Unis mais ont rejeté le reste des demandes. Pour parvenir à cette décision, les juges allemands ont estimé qu’il fallait un équilibre entre les droits du requérant et la liberté de la presse et que les informations publiées présentaient un intérêt public.
Devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le requérant invoque la violation de son droit au respect de la vie privée et familiale protégé à l’article 8 de la Convention européenne et plus précisément une atteinte à sa réputation. Après avoir estimé que les publications étaient suffisamment graves pour rendre l’article 8 applicable, la CEDH se prononce sur le fond et valide le raisonnement des juges allemands qui ont établi un équilibre raisonnable entre le droit à la vie privée du requérant et la liberté d’expression du journal.
À l’unanimité, la CEDH estime que les informations publiées dans l’article présentaient un intérêt public, à savoir l’implication d’un homme d’affaires allemand dans une affaire de corruption d’un candidat à la mairie de New York, de détournement de fonds et de liens avec le crime organisé. Elle confirme sa jurisprudence et rappelle qu’un dirigeant d’une entreprise bénéficiant d’une certaine notoriété peut être considéré comme une personnalité publique, ce qui est le cas du requérant. Les juges européens affirment également qu’il existe un intérêt public à maintenir l’article disponible en ligne. Enfin, la CEDH conclut que les informations publiées étaient suffisamment étayées par des faits, que les sources étaient multiples et que l’article ne contenait aucune déclaration polémique ou détail intime (prohibé dans l’arrêt CEDH, 16 déc. 2010, Aleksey Ovchinnikov c/ Russie, req. n° 24061/04).
Par cette décision, la CEDH confirme sa jurisprudence qui garantit une haute protection de la liberté d’expression de la presse, particulièrement lorsqu’elle participe à la discussion de problèmes présentant un intérêt général légitime (v. CEDH, gr. ch., 26 nov. 1991, série A n° 216, n° 13585/88, Observer et Guardian c. Royaume-Uni, AJDA 1992. 15, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 1992. 510, chron. V. Berger, C. Giakoumopoulos, H. Labayle et F. Sudre ; RSC 1992. 370, obs. L.-E. Pettiti et 20 mai 1999, Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège, req. n° 21980/93, AJDA 2000. 526, chron. J.-F. Flauss ), y compris lorsqu’il s’agit de publications sur internet (CEDH 10 mars 2009, Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni, req. nos 3002/03 et 23676/03). En contrepartie, cette décision relativise l’application du droit à l’oubli et confirme le raisonnement de la CEDH en faveur du maintien des articles au sein des archives Internet (même lorsque l’article a été déclaré diffamatoire, v. CEDH 16 juill. 2013, Węgrzynowski et Smolczewski c. Pologne, req. n° 33846/07, Dalloz actualité, 23 juill. 2013, obs. A. Portmann isset(node/161273) ? node/161273 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>161273).
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