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Erreur sur la désignation d’une partie dans les conclusions d’appel, la cour de cassation fixe l’objectif

L’erreur manifeste, affectant uniquement la première page des conclusions, en considération de l’objet du litige, tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, de la déclaration d’appel et du contenu des premières conclusions qui mentionnent l’exacte qualité de l’intimé, ne peut entraîner la caducité de la déclaration d’appel.

Le 18 septembre 2020, la société Les Maisons Bibal interjette appel d’une ordonnance de référé ayant rejeté sa demande tendant à voir déclarer communes et opposables à la société SMABTP, en sa qualité d’assureur de la société ID Construction, des opérations d’expertise en cours. L’appelante fait signifier, par deux fois, ses conclusions dans le délai d’un mois de la réception de l’avis de fixation à bref délai à la société SMABTP, assureur de la société Vendôme Ravalement. Observant que les conclusions signifiées visaient en en-tête la société SMABTP « assureur de la société Vendôme Ravalement » au lieu de la société SMABTP « assureur de la société ID Construction » mentionnée comme telle dans des conclusions n° 3 mais au-delà du délai imparti pour conclure, la cour d’appel d’Orléans, selon arrêt du 10 mars 2021, juge caduque la déclaration d’appel. La deuxième chambre civile casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt et renvoie les parties devant la cour d’appel de Versailles au visa des articles 905-2 et 911 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en apportant la solution suivante :

« 3. Selon le premier de ces textes, l’appelant dispose, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
4. Il résulte du second que sous la sanction prévue à l’article 905-2, ces conclusions sont notifiées dans le délai de leur remise au greffe ou, aux parties qui n’ont pas constitué avocat, au plus tard dans le mois suivant l’expiration du délai prévu à ce même article.
5. Pour déclarer caduc l’appel formé par la société Les Maisons Batibal, l’arrêt relève qu’un avis de fixation de l’affaire à bref délai lui a été adressé le 7 octobre 2020, qu’elle a établi des conclusions, en tête desquelles il est mentionné qu’elles ont été signifiées le 4 novembre 2020 à la « SMABTP Assureur de la SARL Vendôme Ravalement », qu’elle a signifié, le 6 novembre 2020, de nouvelles conclusions portant le même intitulé et qu’à l’expiration du délai d’un mois suivant l’avis de fixation à bref délai, l’appel était donc caduc à l’encontre de la SMABTP en qualité d’assureur d’ID construction.
6. En statuant ainsi, alors que l’erreur manifeste, affectant uniquement la première page des conclusions, en considération de l’objet du litige, tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, de la déclaration d’appel qui mentionne en qualité d’intimé la SMABTP en qualité d’assureur d’ID construction et du contenu des premières conclusions d’appel déposées qui fait bien référence à la qualité d’assureur de la société ID construction, n’était pas de nature à entraîner la caducité de la déclaration d’appel, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Si l’on s’intéresse d’emblée aux visas de cet arrêt publié au Bulletin, les deux premiers, propres à la procédure à bref délai et à la signification des conclusions à la partie non constituée, n’étonneront pas. La surprise proviendrait plutôt d’une absence, celle de l’article 115 du code de procédure civile invoqué d’ailleurs par le demandeur au pourvoi qui arguait d’une simple nullité de forme alors qu’une régularisation ultérieure était intervenue. Elle viendra aussi du dernier fondement tant la Cour de cassation n’avait pas nécessité d’avoir recours à l’article 6 de la Convention pour censurer l’arrêt déféré. Mais reconnaissons-le, quand il n’est pas écarté, un tel visa assoit une solution et marque les esprits. Après avoir posé les jalons procéduraux de l’appel en livrant, parfois, une interprétation restrictive et hyperbolique des textes spécifiques aux conclusions (la date du 17 sept. 2020 restera en mémoire…), la deuxième chambre civile donne ces derniers temps des signes d’espoirs aux avocats ; l’accès au juge et le droit au procès équitable n’y sont bien évidemment pas étrangers.

Objectif lune, objectif nul

Nullité de forme VS caducité, obligation de soulever le moyen in limine litis VS possibilité de s’en emparer à tout moment, démonstration d’un grief VS absence de grief, régularisation presque à tout moment VS régularisation dans le délai pour conclure, interruption du délai de forclusion VS absence d’interruption. On comprend tout l’enjeu pour l’intimé d’aller chercher une caducité plutôt qu’une nullité s’il veut décrocher la lune. Car si, éludant la nullité, l’arrêt de ne le dit pas, c’est bien cela dont il s’agit : l’erreur qui affecte l’acte de procédure notifié par l’appelant, et en l’espèce ses conclusions, peut-elle entraîner sa nullité ou la caducité de la déclaration d’appel ? Les deux bien sûr, alternativement, et même, on le verra, cumulativement !

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