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Le greffe de Nice envoie un « SOS » à la garde des Sceaux pour sauver le tribunal d’instance

Au moment de la présentation du projet de loi de programmation en conseil des ministres le 20 avril, le service de greffe du tribunal d’instance de Nice a adressé une lettre ouverte à la garde des Sceaux. Le personnel s’alarme de « la suppression de cette juridiction de proximité ».

par Thomas Coustetle 20 avril 2018

Après la lettre ouverte qu’un collectif de 250 juges d’instance a adressé le 9 avril dernier à Édouard Philippe et Nicole Belloubet, c’est au tour des fonctionnaires de greffe du tribunal d’instance de Nice de donner le change. Alors que le Conseil d’État a adressé le 19 avril dernier, un avis « globalement positif » sur ce projet (v. Dalloz actualité, 19 avr. 2018, art. M. Babonneau et J.-M. Pastor isset(node/190310) ? node/190310 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190310), ces professionnels n’en sont pas moins inquiets et ils le font savoir. 

« Nous ne sommes pas seulement mobilisés pour le service de greffe, mais pour l’ensemble de la justice de proximité », insiste un greffe signataire de la lettre. Plusieurs points cristallisent les doutes qui sont exprimés dans cette missive. Parmi les plus manifestes, on peut relever la disparition du tribunal d’instance « en tant que juridiction autonome », la dématérialisation d’une partie du contentieux de proximité, ou encore la réaffectation « administrative » de l’ensemble du personnel au sein des tribunaux de grande instance.

« Que sera une justice qui aura remplacé le contact humain par un écran d’ordinateur ? »

Pour ces professionnels, la  fusion des tribunaux d’instance avec les tribunaux de grande instance serait « faire le choix de se priver d’une juridiction de proximité autonome et identifiée comme telle ». Le rattachement systématique à un tribunal de grande instance (lorsque celui-ci existe dans une même ville) ou la réduction en chambre détachée dans le cas contraire, font craindre une désertion du service public. « Pourra-t-on encore parler de service public lorsque les plus démunis, les plus fragiles des justiciables, ne pourront avoir accès à un juge, à la justice, à une personne physique ? Que sera une Justice qui aura remplacé le contact humain par un écran d’ordinateur ? », peut-on lire dans la lettre. 

Ces craintes reposent au moins pour partie sur des lignes précises du projet. Le texte ambitionne de créer une procédure entièrement dématérialisée, et donc sans audience physique, pour « les petits litiges ». C’est, par exemple, prévu pour les injonctions de payer (v. Dalloz actualité, 19 avr. 2018, art. T. Coustet isset(node/190246) ? node/190246 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190246), ou pour les actions en paiement à partir d’un montant qui sera fixé ultérieurement par décret.

Néanmoins, le trouble repose pour beaucoup sur le « flou » qui traverse le projet. La faute à un texte « valise », selon les uns, qui prend le risque de renvoyer une bonne partie de son exécution à des « décrets ultérieurs », comme pour le seuil au-delà duquel l’action paiement nécessitera l’intervention physique d’un juge. Ou encore, sur les chambre détachées, dont la compétence sera déterminée par les chefs de juridictions et figée par décret. « Le risque est d’avoir désormais un traitement à géométrie variable selon les TGI », estime le greffier.

Autant de griefs qui sont les signes d’un énième malaise (v. égal. l’interview d’Ollivier Joulin, président du TGI de Rennes, Dalloz actualité, 19 avr. 2018, par M. Babonneau) à l’endroit de la ministre et des chefs de juridictions auxquels cette missive est dédiée. Depuis sa diffusion, le personnel de greffe a fait savoir qu’il a reçu des soutiens provenant de « beaucoup de collègues en France, mais également de justiciables ». Il espère que leur voix contribuera ainsi à faire bouger les lignes du projet lors du débat à l’Assemblée nationale prévu pour juin prochain.