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Indemnisation du préjudice économique des proches par le FIVA : pas d’imputation d’une pension de réversion non sollicitée

L’indemnisation par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) ne présente pas de caractère subsidiaire. Viole l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000 et le principe de réparation intégrale la cour d’appel qui subordonne l’indemnisation par le FIVA du préjudice économique du conjoint survivant à la demande préalable du versement de la pension de réversion.

Lorsque la victime directe décède, ses proches ont la faculté d’agir en justice à deux titres. Victimes par ricochet (Y. Lambert-Faivre, Le dommage par ricochet, Thèse Lyon 1959), ils peuvent, d’une part, demander réparation de leurs propres préjudices extrapatrimoniaux et patrimoniaux. Leur qualité d’héritiers leur ouvre, d’autre part, une action successorale afin d’obtenir indemnisation des préjudices subis par la victime immédiate (Civ. 2e, 20 mars 2008, n° 07-15.807 : « Attendu que les ayants droit d’une victime décédée […] sont recevables à exercer, outre l’action en réparation du préjudice qu’ils ont subis du fait de ce décès, l’action en réparation du préjudice subi par la victime résultant de sa maladie », D. 2008. 1059 ; ibid. 2373, chron. J.-M. Sommer et C. Nicoletis ). C’est ainsi à double titre que le conjoint survivant d’une victime de l’amiante agissait dans l’affaire soumise à la deuxième chambre civile le 9 mars 2023.

À la suite du décès de son époux d’un cancer broncho-pulmonaire – reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie comme présentant un caractère professionnel –, une veuve saisit le FIVA. Contestant l’offre proposée par ce dernier, elle saisit une cour d’appel à fins d’indemnisation, d’une part, du préjudice subi par le défunt au titre de l’assistance par tierce personne (ATP) et, d’autre part, de son propre préjudice économique.

Ces deux demandes sont rejetées. En premier lieu, la cour d’appel considère que les ayants droit « ne produisent aux débats aucun élément médical consacrant expressément la nécessité de l’assistance d’une tierce personne, ou permettant, le cas échéant, d’en déterminer l’étendue » (pt 6). Elle ajoute que « les documents médicaux produits, qui constatent seulement une incapacité fonctionnelle totale, n’impliquent pas, de manière nécessaire, l’exigence d’une assistance par un tiers 24 heures sur 24 » (pt 7).

En second lieu, la cour d’appel, pour rejeter la demande relative à l’indemnisation du préjudice économique subi par la veuve, énonce qu’il appartient à celle-ci d’indiquer si elle a ou non sollicité le bénéfice de la pension de réversion que l’organisme de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) pourrait lui servir au titre des fonctions d’élu qu’avait exercées son époux et, le cas échéant, si elle perçoit une somme à ce titre (pt 14).

La décision est cassée par la deuxième chambre civile sur ces deux points. Tout d’abord, la Cour de cassation considère que les juges du fond ont privé leur décision de base légale en refusant toute indemnisation au titre de l’ATP « par des motifs insuffisants à caractériser l’absence de besoin d’assistance par tierce personne » (pt 8). Ensuite, elle affirme que la cour d’appel a violé l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000 et le principe de réparation intégrale en déboutant la veuve de sa demande relative à l’indemnisation de son préjudice économique. Il résulte en effet de ce texte « que l’indemnisation par le FIVA ne présente pas de caractère subsidiaire » (pt 11), les juges du fond ne pouvant donc pas valablement subordonner la réparation du préjudice économique du conjoint survivant à la demande préalable du versement de la pension de réversion.

Nécessité pour les juges du fond de quantifier les besoins en ATP

Selon la nomenclature Dintilhac, « ces dépenses sont liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie » (J.-P. Dintilhac [dir.], Rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, juill. 2005, p. 34).

L’indemnisation a lieu en fonction des besoins et non des dépenses. Elle ne saurait être subordonnée à la présentation de factures (par ex., Civ. 2e, 24 nov. 2011, n° 10-25.133, Dalloz actualité, 14 déc. 2011, obs. G. Rabu ; D. 2011. 2932 ; ibid. 2012. 644, chron. H. Adida-Canac, O.-L. Bouvier et L. Leroy-Gissinger ; ibid. 2699, obs. D. Noguéro et J.-M. Plazy ; AJ fam. 2012. 109, obs. T. Verheyde ; RDSS 2012. 187, obs. T. Tauran ; 4 oct. 2012, n° 11-24.789 ; 11 sept. 2014, n° 13-20.998 ; 15 janv. 2015, n° 13-27.761, Dalloz actualité, 28 janv. 2015, obs. N. Kilgus ; D. 2015. 661 , note M. Saulier ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle ; ibid. 2283, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; RTD civ....

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