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L’inutile lourdeur d’une procédure pénale envers une victime fragile caractérise un traitement inhumain et dégradant

La Cour européenne des droits de l’homme s’intéresse au traitement procédural réservé à une mineure ayant subi des agressions sexuelles. Elle retient qu’un traitement procédural lourd, exigeant notamment la répétition d’auditions ainsi que des confrontations, et des démarches d’identification superflues à l’établissement de la vérité, a fortiori en tenant compte l’état d’extrême vulnérabilité de la requérante, sont susceptibles d’entraîner la qualification de traitement inhumain et dégradant.

Âgée de douze ans en 2019, après le décès de sa mère en 2018 et son placement dans un orphelinat, la requérante a révélé auprès d’un psychologue d’un centre d’assistance pour enfants placés avoir été victime de plusieurs agressions sexuelles entre 2014 et 2017. Quatre auteurs présumés sont ainsi identifiés, et quatre procédures distinctes sont ouvertes en date des 16 février, 17 février, 15 juillet et 19 septembre 2019.

À titre liminaire, il conviendra de relever qu’en vertu de la jurisprudence de la grande chambre de la CEDH, la compétence de celle-ci est reconnue s’agissant de faits antérieurs à la sortie de la Fédération de Russie de la Convention actée le 16 septembre 2022 (v. CEDH 17 janv. 2023, Fedotova et al. c. Russie, n° 40792/10 et deux autres, AJ fam. 2023. 112, obs. M. Saulier ). La violation de l’article 3 de la Convention ne repose pas sur les faits d’agression sexuelle mais les faits qui, au cours de la procédure, ont conduit à un traitement inhumain et dégradant de la victime par sa victimisation secondaire.

Le droit national russe prévoit un régime visant à mieux accompagner « les mineurs victimes de crimes contre leur intégrité sexuelle » (loi fédérale russe n° 432-FZ, 28 déc. 2013). Ainsi, le droit à une aide juridictionnelle (loi fédérale, art. 45, § 2.1) ainsi qu’à l’accompagnement d’un psychologue et d’un représentant légal à l’ensemble des étapes procédurales, ou encore de l’enregistrement vidéo des différentes auditions sont prévues en droit national de sorte que le traitement procédural de l’affaire ne vienne pas aggraver la situation de précarité dans laquelle se trouve la victime mineure. La loi fédérale russe s’appuie par ailleurs sur la Convention de Lanzarote pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, ratifiée par la Fédération de Russie en 2013.

Malgré l’ensemble des dispositions de droit national et international visant à prendre en compte la grande précarité des victimes mineures d’agressions sexuelles, quatre procédures distinctes ont été engagées contre chacun des auteurs présumés, sans que la demande de joindre les requêtes n’ait été entendue par le ministère public russe (§ 24). La disjonction des requêtes a ainsi entraîné un nombre conséquent d’auditions (six auditions chacune pour les deux...

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