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L’office XXL du juge judiciaire en matière de référé contractuel

La Cour de cassation estime que le juge du référé contractuel peut annuler d’office un contrat dont l’annulation ne lui a pourtant pas été demandée, sous réserve de respecter le principe de la contradiction.

Le groupement d’intérêt économique « Vigie Ports » a été chargé par la région Bretagne d’un marché public portant sur l’acquisition d’une licence exclusive et le développement d’un logiciel d’exploitation portuaire.

En vue d’assurer l’exécution de ce contrat, Vigie Ports a conclu un premier marché d’un montant de 35 000 € HT avec la société Infoport pour l’acquisition d’un droit non exclusif d’utilisation des codes sources d’un logiciel. Par un second marché, conclu sans publicité ni mise en concurrence préalables, Vigie Ports a confié à la société 4SH la mission de procéder à l’adaptation de ce logiciel pour un prix de 157 420 € HT.

Considérant que ce second marché aurait dû faire l’objet d’une procédure adaptée, la société Marseille Gyptis international, a saisi le président du Tribunal judiciaire de Bordeaux d’un référé contractuel. Ce dernier a, non seulement, fait droit aux demandes de la société demanderesse mais, a également, décidé d’annuler le premier marché, conclu avec la société Infoport, en estimant que ces contrats formaient un ensemble indissociable. Vigie Ports s’est alors pourvue en cassation.

La possibilité d’annuler d’office un contrat dont l’annulation n’a pas été demandée

Vigie Ports estimant – assez légitimement, selon nous – que le premier juge avait outrepassé l’objet du litige en prononçant l’annulation du premier contrat, non contesté par la société Marseille Gyptis international, sollicitait la censure de l’ordonnance sur le fondement des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Néanmoins, la Cour de cassation a écarté le moyen en considérant que « le juge du recours contractuel peut (…) annuler d’office un contrat dont l’annulation ne lui a pas été demandé », en se fondant sur l’article 19 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique. En effet, cette disposition permet au juge du référé contractuel de prononcer d’office les mesures mentionnées aux articles 15 à 18 – dont l’article 16 qui concerne la nullité du contrat – sous réserve d’avoir informé préalablement les parties et de les avoir invitées à présenter leurs observations.

Cette solution a de quoi surprendre à plusieurs égards.

En premier lieu, il est fort probable qu’elle n’aurait pas été retenue par le juge administratif. Certes, l’on sait qu’en matière contractuelle, le juge dispose de pouvoirs très étendus lui permettant notamment de statuer ulta petita. En particulier, le Conseil d’État a reconnu au juge du référé précontractuel la possibilité de prononcer l’annulation d’une procédure alors que seule sa suspension est demandée (CE 20 oct. 2006, Commune d’Andeville, n° 289234, Lebon ; AJDA 2006. 2340 , concl. D. Casas ; ibid. 2007. 782, étude F. Dieu ; RDI 2006. 477, obs. J.-D. Dreyfus ; ibid. 487, obs. J.-D. Dreyfus ) ou encore d’annuler la totalité d’une procédure de passation même si une partie de celle-ci n’est pas contestée devant lui (CE 15 déc. 2006, Société Corsica Ferries, n° 298618, Dalloz actualité, 5 janv. 2007, obs. B. Lapouille ; Lebon ; AJDA 2007. 185 , note J.-D. Dreyfus ; ibid. 1105, chron. L. Richer, P.-A. Jeanneney et S. Nicinski ). Plus récemment, la Haute juridiction a admis que le juge saisi par un tiers d’un recours en contestation de la validité d’un contrat puisse en prononcer l’annulation alors même que le requérant n’en a demandé que la résiliation (CE 9 juin 2021, Conseil national des barreaux, n° 438047, Dalloz actualité, 16 juin 2021, obs. E. Maupin ; Lebon T. ; AJDA 2021. 1238 ; ibid. 2346 , note S....

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