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La limite de l’office du juge des référés, un frein à la dignité en détention

Le Conseil d’État confirme l’indignité des conditions de détention au sein de l’établissement pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, mais refuse de prononcer des mesures d’ordre structurel, lesquelles ne font pas partie de son office de juge des référés.

En juin 2021, suite à sa visite en France, le Comité de prévention de la torture (CPT) appelait le gouvernement à « tirer les leçons de l’inefficacité des mesures prises depuis trente ans » (Conseil de l’Europe, Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), CPT/Inf (2021) 14). Si le CPT faisait ainsi référence à la surpopulation carcérale dans les établissements pénitentiaires français, il serait illusoire de croire que ces préconisations ne concernaient pas, tout autant, l’indignité des conditions de détention. En 2022, elles étaient d’ailleurs toujours d’actualité, en témoigne la jurisprudence administrative récente (v. par ex. TA Toulouse, réf., 4 oct. 2021, n° 2105421, Dalloz actualité, 12 oct. 2021, obs. M. Dominati ; 2 août 2022, n° 2203925, Dalloz actualité, 9 sept. 2022, obs. M. Dominati ; CE, réf., 15 nov. 2022, n° 466827, Dalloz actualité, 28 nov. 2022, obs. M. Dominati ; Lebon ; AJDA 2022. 2206 ; AJ pénal 2022. 594 et les obs. ). Parmi les toutes dernières décisions du Conseil d’État figure d’ailleurs l’ordonnance ici commentée, qui traite de nouveau de l’indignité des conditions de détention.

Le contexte

Depuis 2014, l’administration pénitentiaire a annoncé la démolition de l’établissement pénitentiaire actuel de Bordeaux-Gradignan (D. Payen-Fourment, Gradignan : vers une démolition-reconstruction ?, Dedans Dehors n° 86, OIP, déc. 2014). À la suite de plusieurs atermoiements, et à une dégradation générale de l’établissement au fil du temps, de nombreuses alertes ont été lancées. C’est d’abord le cas du CPT, qui constatait récemment son « état de délabrement avancé [et] une situation qui rendait la détention insupportable, tout comme les conditions de travail des personnels » (Conseil de l’Europe, rapp. préc., p. 5). Ces propos ont ensuite été confirmés par la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), pour qui « l’hébergement d’êtres humains devrait être proscrit » au sein de l’établissement néo-aquitain (CGLPL, Recommandations en urgence du 30 juin 2022 relatives au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, JO 13 juill. 2022). Ces différentes alertes ont donné lieu à une première ordonnance du tribunal administratif bordelais, lequel prononçait neuf mesures d’urgence pour mettre fin à l’indignité constatée des conditions de détention au sein du centre pénitentiaire de Gradignan (TA Bordeaux, 11 oct. 2022, n° 2205214, Dalloz actualité, 19 oct. 2022, obs. M. Dominati ; AJ pénal 2022. 545 et les obs. ). Toutefois, de manière quasi inédite, lors de l’appel de cette demande, le juge des référés du Conseil d’État avait utilisé la procédure de tri pour rejeter le référé-liberté porté par les requérants (CE 10 nov. 2022, n° 468490 ; v. égal. not. Rép. cont. adm., Référés d’urgence : règles communes, par M. de Monsembernard, n° 43-52 ; pour la première utilisation de la procédure de tri, v. CE 29 nov....

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