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Purge des nullités en matière criminelle : à chacun son tour

Dans sa décision n° 2024-1114 QPC du 29 novembre 2024, le Conseil constitutionnel a estimé que le mécanisme de purge des nullités qui était prévu en matière criminelle à l’article 181 du code de procédure pénal méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense. La portée de cette déclaration d’inconstitutionnalité demeure relativement limitée, la disposition en cause ayant déjà été corrigée par la loi du 26 novembre 2024.

Voilà déjà plusieurs années que l’effet absolu du mécanisme de purge des nullités est sur la sellette. En principe, toutes les exceptions de nullité soulevées contre des actes d’enquête ou d’instruction après l’ordonnance de renvoi devant la cour d’assises ou le tribunal correctionnel sont irrecevables, l’irrégularité étant considérée comme couverte par ces ordonnances de règlement. Dans une décision du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel a estimé que ce mécanisme de purge n’était contraire à aucun principe ou règle à valeur constitutionnelle (Cons. const. 11 août 1993, n° 93-326 DC, consid. 25). En dépit de ce brevet de constitutionnalité, des exceptions à ce mécanisme ont vu le jour. Par un arrêt du 7 octobre 1997, la Cour de cassation a estimé qu’en cas de méconnaissance de la procédure de règlement contradictoire de l’information judiciaire telle que prévue par l’article 175 du code de procédure pénale, l’ordonnance de renvoi devait être annulée par le tribunal correctionnel, puis la procédure devait être renvoyée au ministère public pour qu’il saisisse à nouveau la juridiction d’instruction (Crim. 7 oct. 1997, n° 96-85.599, D. 1997. 257 ). Pour éviter les lenteurs des renvois et saisines aux fins de régularisation, le législateur a préféré ouvrir une première brèche dans le mécanisme des purges de nullités, en rendant recevables les exceptions de nullité devant le tribunal correctionnel lorsque la procédure prévue par l’article 175 du code de procédure pénale n’a pas été respectée (C. pr. pén., art. 385, al. 3). Par la suite, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les juges français faisaient une application trop restrictive de cette exception (CEDH 11 oct. 2012, Abdelali c/ France, n° 43353/07, Dalloz actualité, 25 oct. 2012, obs. O. Bachelet ; D. 2012. 2452, et les obs. ; RSC 2013. 117, obs. J. Danet ; ibid. 155, obs. D. Roets ). En effet, la jurisprudence refusait qu’une personne en état de fuite puisse en bénéficier (Crim. 3 avr. 2007, n° 06-89.315, D. 2007. 1206 ; ibid. 2008. 2757, obs. J. Pradel ; Just. & cass. 2008. 249, note P. Mathonnet ; AJ pénal 2007. 428 , note J. Leblois-Happe ; RSC 2007. 834, obs. R. Finielz ) et elle avait tendance à facilement reconnaître ce statut. La Haute juridiction a par conséquent renforcé son contrôle de la qualité de fugitif, en exigeant d’établir que le mis en cause avait bien connaissance de la procédure ouverte contre lui (Crim. 16 janv. 2013, n° 11-83.689, Dalloz actualité, 5 févr. 2013, obs. M. Léna ; D. 2013. 1647, obs. C. Mascala ; RTD com. 2013. 359, obs. B. Bouloc ).

Pendant longtemps, les exceptions au jeu de la purge des nullités sont restées cantonnées à la matière correctionnelle. Saisi d’une QPC, le Conseil constitutionnel a estimé que cette restriction n’était pas justifiée et que l’irrecevabilité des exceptions de nullité devant la cour d’assises, même lorsque l’accusé n’avait pas été régulièrement avisé de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information ou de l’ordonnance de mise en accusation, méconnaissait le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense (Cons. const. 23 avr. 2021, n° 2021-900 QPC, Dalloz actualité, 4 mai 2021, obs. D. Goetz ; D. 2021. 801 ). Le quatrième alinéa de l’article 181 a donc été abrogé, et une exception à la purge des nullités a été étendue à la matière criminelle (C. pr. pén., art. 269-1). La question de la purge des nullités est ensuite revenue devant le Conseil constitutionnel en matière délictuelle. Dans sa décision du 28 septembre 2023 (Cons. const. 28 sept. 2023, n° 2023-1062 QPC, Dalloz actualité, 13 oct. 2023, obs. H. Diaz ; D. 2023. 1696, et les obs. ; ibid. 2024. 1435, obs. J.-B. Perrier ; RSC 2023. 839, obs. A. Botton ; RTD com. 2023. 973, obs. L. Saenko ), il a estimé que l’article 385 du code de procédure pénale méconnaissait le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense en ce qu’il ne permettait pas au mis en examen de soulever une exception de nullité devant le tribunal correctionnel alors qu’il n’avait pris connaissance de l’irrégularité en cause qu’après l’ordonnance de renvoi. Pour éviter que l’abrogation n’entraîne des conséquences manifestement excessives, elle a été reportée au 1er octobre 2024. Cependant, cette décision ne produisait d’effets qu’à l’égard de l’article 385, relatif à la matière correctionnelle. Il restait donc à savoir si la même règle devait être admise en matière criminelle.

Nécessité d’une nouvelle exception au mécanisme de purge des nullités en matière criminelle

La question attendue a été présentée à l’occasion de pourvois formés contre un arrêt rendu par la Cour d’assises des Alpes-Maritimes le 28 février 2024. L’homme condamné a demandé si les dispositions de l’article 181, alinéa 4, du code de procédure pénale ne méconnaissaient pas le principe des droits de la défense et le...

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