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Retraite des fonctionnaires et discrimination, nouvel épisode

La Cour de cassation juge que la règle d’affiliation des fonctionnaires territoriaux à temps non complet à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) est contraire au droit de l’Union européenne.

par Marie-Christine de Monteclerle 15 novembre 2017

L’article 107 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, qui dispose que les fonctionnaires à temps non complet ne peuvent être affiliés à la CNRACL que s’ils consacrent à leur service un nombre minimal d’heures fixé par délibération de cette caisse, institue une discrimination indirecte contraire au droit de l’Union européenne, a jugé la Cour de cassation.

Mme R… avait été engagée comme agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) stagiaire par la commune de Thizy en avril 1986, puis titularisée un an plus tard. Mais ce n’est qu’au 1er novembre 2000 qu’elle a été affiliée à la CNRACL. En effet, elle effectuait auparavant un durée de service hebdomadaire inférieure à 31 heures 30, seuil d’affiliation en vigueur entre le 1er novembre 1982 et le 1er janvier 2002 (ce seuil est, depuis cette dernière date, fixé à 28 heures par semaine). Le litige entre Mme R… et la CNRACL s’est noué en novembre 2011 quand l’ATSEM a demandé la liquidation anticipée de sa retraite et son affiliation rétroactive pour la période du 28 avril 1987 au 1er novembre 2000 (sans laquelle elle ne remplissait pas la condition de quinze ans de service).

La cour d’appel de Lyon a rejeté la demande de Mme R… en estimant que le seuil d’affiliation fixé par l’article 107 de la loi statutaire et l’article 7 du décret du 26 décembre 2003 s’applique « indistinctement aux fonctionnaires masculins et féminins qui se trouvent placés dans des conditions rigoureusement identiques ».

La deuxième chambre civile, au visa de l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tel qu’interprété par la CJUE (CJUE 17 juill. 2014, n° C-173/13, Leone, Dalloz actualité, 23 juill. 2014, obs. M.-C. de Montecler ; ibid. 2295, chron. E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; AJFP 2015. 148 , comm. C. Mayeur-Carpentier ; RDSS 2014. 1073, note C. Boutayeb ), et des articles 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006, conclut, elle, à la discrimination indirecte. Elle considère qu’il ressort de ces textes européens « que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu’un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l’objectif invoqué et nécessaire à cet effet, ce qui exige qu’il réponde véritablement au souci d’atteindre ce dernier et qu’il soit mis en œuvre de manière cohérente et systématique dans cette perspective, un régime professionnel de retraite ou de pension ne saurait comporter de discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe en particulier en ce qui concerne le champ d’application du régime et les conditions d’accès à celui-ci ».

Or, juge-t-elle, « en subordonnant à une durée de travail minimale, fixée pour la période litigieuse à 31 heures 30 hebdomadaires par délibération du conseil d’administration de la CNRACL, l’affiliation au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la CNRACL du fonctionnaire territorial nommé dans un emploi à temps non complet et affecté aux activités scolaires et périscolaires des écoles communales, alors que celles-ci recourent à une proportion élevée d’emplois à temps réduit plus fréquemment occupés par des femmes, l’article 107 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée a institué une discrimination indirecte dans l’accès à un régime professionnel de retraite contraire, en l’absence de justification dans les conditions sus-énoncées, aux exigences du principe de non-discrimination énoncé par le premier des textes susvisés ».