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Séparatisme : l’Assemblée se penche sur le contrôle des associations loi 1901

Depuis vendredi, l’Assemblée débat d’importantes modifications à la loi de 1901 sur les associations, contenues dans le projet de loi confortant les principes de la République. Contrat d’engagement républicain pour les subventions, dissolution administrative, contrôle des dons étrangers, vérifications fiscales, etc., l’arsenal préfectoral contre les associations jugées séparatistes sera considérablement renforcé. Mais l’opposition réclame des précisions. Récit des débats.

par Pierre Januelle 7 février 2021

Principal point débattu vendredi : le contrat d’engagement républicain. Il sera signé par toute association qui demande une subvention, y compris en nature, à une administration, une collectivité ou un établissement public. En cas de non-respect du contrat, l’État ou tout citoyen pourra demander le remboursement des sommes versées. Le contenu de ce contrat ne relève pas de la loi, mais le projet de décret va au-delà des associations séparatistes. Outre s’abstenir de tout prosélytisme « abusif », l’association ne devra pas causer de trouble à l’ordre public, faire de la désobéissance civile ou exclure arbitrairement des membres.

« Aucun argent public ne doit aller à des associations qui ne respectent pas le cadre républicain »

Pour le président de la commission spéciale, François de Rugy, il s’agit d’une disposition majeure : « Il faudrait vraiment avoir des œillères particulièrement refermées autour des yeux pour ne pas voir qu’aujourd’hui, dans notre pays, certains utilisent la liberté d’association et les subventions, pour se retourner contre la République. Je ne vois pas pourquoi l’État et les collectivités locales financeraient par de l’argent public des associations qui ensuite iraient commettre des actes contraires à l’ordre public, des actions illégales ! […] C’est là en réalité qu’il y a quelques associations qui sont un peu inquiètes, parce qu’elles ne veulent pas assumer qu’elles conduisent des actions illégales avec de l’argent public. »

Le député LREM Jean-Baptiste Moreau enchérit : « Nous demandons juste que des associations qui reçoivent de l’argent public respectent un certain cadre. Certaines associations font systématiquement des actions illégales d’intrusion dans des exploitations agricoles. Aucun argent public ne doit aller à des associations qui ne respectent pas le cadre républicain, qui ne respectent pas la loi et qui agressent des personnes au titre de leur profession. »

« La prochaine fois, vous devriez citer la Défenseure des droits. Vous vous gauchisez… »

L’opposition exige des exemples. Les amicales des Frères musulmans reçoivent rarement des subventions, tout comme les associations activistes citées (Génération identitaire, Les soupes au cochon, L214). Le contenu du contrat étant fixé par décret, le flou suscite une inquiétude d’autant que le dispositif concernera des centaines de milliers d’associations.

Pour le député socialiste Boris Vallaud : « Nous voudrions des exemples concrets pour comprendre. Est-ce qu’une association environnementale qui, pour protester contre le nucléaire, s’enchaînerait aux grilles d’une centrale contreviendrait aux principes républicains ? Est-ce qu’une association de défense du droit au logement occupant des locaux vacants contreviendrait aux lois de la République ? Et une association LGBT qui défendrait la gestation pour autrui ? »

Du côté du député LR Patrick Hetzel : « Monsieur le Rapporteur, vous disiez qu’il y avait des inquiétudes des associations, mais pas forcément du rejet. Je vais simplement vous lire un extrait de l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme : “La CNCDH invite notamment à abandonner le contrat d’engagement républicain.” Là, il ne s’agit pas d’inquiétude, c’est clairement un avis qui demande l’abandon. »

Éric Poulliat, le rapporteur : « C’est un avis, parmi d’autres… »

Patrick Hetzel : « Certes, mais c’est quand même une autorité qui s’exprime sur les questions de droits de l’homme. Et vous devriez prendre cela avec beaucoup plus d’attention que vous n’êtes en train de le faire. »

Gérald Darmanin : « La prochaine fois, vous devriez citer la Défenseure des droits. Vous vous gauchisez… »

« Tranquillo, c’est bon, on échange des arguments… »

La journée passe lentement. Le texte est débattu dans la procédure du « temps législatif programmé » : chaque groupe dispose d’un temps fixé au départ. En contrepartie, il utilise son temps comme il veut, le président de séance ne pouvant plus gérer les débats ni couper la parole. D’où une certaine désorganisation, les députés n’étant pas des autogestionnaires efficaces. La discussion est décousue, les débats ne se basant plus sur des amendements précis.

Le soir, on aborde l’article 8, qui rénove les critères de dissolution administrative des associations. Une procédure lourde, employée 123 fois depuis 1936, mais que le gouvernement souhaite utiliser plus. Le projet veut inscrire dans la loi la possibilité d’imputer à une association les agissements de ses membres. Il rajoute également des critères de dissolution comme le fait de provoquer à des « agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens » ou de « contribuer » à la discrimination, en y incluant les discriminations sexistes et LGBT-phobes.

Les députés insoumis craignent pour les associations écologistes qui mènent des actions de désobéissance civile. Le rapporteur Florent Boudié répond fermement : « Quelle que soit l’heure, quel que soit le jour, quel que soit le lieu, votre pratique est toujours la même : c’est le mensonge ! Le dispositif dont vous parlez existe depuis la loi du 10 janvier 1936. Il est lourd, complexe, lent. Nous modernisons certains aspects. Le premier alinéa parlait de manifestations armées dans la rue : cela correspondait à une loi antiligues, qui n’est plus tout à fait d’époque. Nous allons ajouter : “ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens”. Considérable modification ! Liberticide ! Autoritaire par définition ! Arrêtez de faire peur à vos militants. »

L’insoumis Alexis Corbière : « Collègue rapporteur, tranquillo, c’est bon, on échange des arguments… Nous nous respectons tous les deux : mon collègue vous donne des arguments, vous n’êtes pas obligé de dire que le mensonge est notre fonds de commerce. L’outrance n’aide pas. »

Suite des débats ce lundi après-midi, avec notamment l’article 10 qui veut favoriser les contrôles sur les reçus fiscaux des associations et un amendement pour un contrôle préfectoral de tout don étranger supérieur à 10 000 € à une association. Ici aussi, les effets pourraient aller bien au-delà des financements turcs visés dans le débat public.